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envers certains députés, et la crainte de s’aliéner ces candidats désappointés l’empêche de remplir les engagemens qu’il a contractés en dehors de la chambre. Au milieu de ces difficultés, il s’abstient. Il adopte le système de la politique négative. Ses amis appellent cela montrer de la résolution et de la vigueur. Si. M. le comte Jaubert s’est trouvé excepté dans cette mesure générale de précaution, on ignore pour quel motif ; le ministère ne le sait pas lui-même. On l’embarrasserait fort si on le priait de donner là-dessus ses raisons, et surtout de raconter plusieurs incidens qui ont précédé l’ordonnance de nomination, incidens qui ne sont peut-être pas tous connus de lui. Il y a là une comédie de mœurs politiques ; chacun y joue son rôle. Empressons-nous de dire que le rôle qu’y joue M. le comte Jaubert est digne d’un ancien ministre, de l’homme indépendant et ferme dont le caractère est justement honoré par tous les partis.

Le ministère, par raison de conservation, se voit donc forcé de ne pas prodiguer le manteau de pair ; mais il n’en est pas de même des faveurs, dont il dispose avec une prodigalité inusitée jusqu’ici, pour amorcer les consciences peu scrupuleuses. Il va sans dire que, si la chambre des députés renferme des consciences de cette nature, elles seront toutes bien accueillies par le ministère. Jamais, on doit le reconnaître, l’indépendance de la chambre élective n’a été si ouvertement tentée par un cabinet. Jamais cette opinion, que tout est dû à un député ministériel, et que la députation est un marche-pied pour l’avancement administratif, n’a été plus franchement soutenue et pratiquée par le pouvoir.. Les députés fonctionnaires en conviennent eux-mêmes. On a entendu ces jours derniers, dans une cour royale du Midi, un premier magistrat de ressort, récemment promu, déclarer publiquement qu’il devait sa nomination à son influence parlementaire, et qu’il avait été préféré à d’autres candidats, très méritans d’ailleurs, parce que ces candidats n’étaient point députés. D’un autre côté, dans un département voisin de Paris, une cour royale, par l’organe de son premier président, a déploré la mobilité des situations judiciaires, qu’un pouvoir faible et dominé par des exigences parlementaires change sans cesse au gré des ambitions et des convenances de la politique. Trois procureurs-généraux, dans l’espace d’un an, ont figuré à la tête du parquet de cette cour. Avec une pareille instabilité, qui rompt l’esprit e tradition, si nécessaire aux corps judiciaires, comment la magistrature pourrait-elle, remplir sûrement la mission qui lui est confiée ? Vit-on jamais de plus fâcheux exemples de l’invasion des influences politiques dans l’administration du pays ?

Ces abus, néanmoins, ne nous empochent pas de rendre justice à des mesures récentes dont nous reconnaissons la sagesse, à des intentions que nous trouvons excellentes, et à des projets utiles que l’on prépare en ce moment dans les bureaux de plusieurs ministères. L’ordonnance royale sur les maîtres d’études honore l’administration de M. Villemain : c’est une réforme sensée, importante, qui a déjà reçu l’approbation de tous les esprits éclairés. M. le ministre des travaux publics se donne beaucoup de mouvement. Une