dans les temps les plus modernes, l’amer Paul-Louis Courier. Il y a toute une histoire à faire de cette littérature du portrait satirique, tel que la liberté anglo-saxonne s’est plu à le tracer. Les femmes et leurs passions, depuis mistriss Manly jusqu’à lady Bulwer et Henriette Wilson, y usurpent un grand espace ; et pour citer un seul exemple, l'Atalantis de mistriss Manly n’est pas autre chose qu’un roman de M. d’Israëli dénué de talent.
En quoi consiste donc l’originalité de l’auteur nouveau ? C’est d’avoir mêlé et fondu tout cela dans un style oriental, où l’idylle pleure, où la caricature grimace, où la croix des sépulcres catholiques s’élève sur les ruines d’une manufacture protestante incendiée, où la rêverie pâle glisse dans le nuage avec les morts, pendant que la satire amère montre du doigt les vivans. Il n’y a pas seulement contraste, mais dissonance, et la dissonance n’est sauvée de temps à autre que par le talent vif et marqué de l’auteur, auquel justice complète n’a pas été rendue.
Dans cette intelligence singulière et dont nous indiquerons tout à l’heure le caractère, la race et les tendances naturelles, deux forces contraires, deux facultés et l’expression littéraire de ces facultés, coexistent avec une intensité extrême, sans s’équilibrer ou se corriger l’une par l’autre ; l’ironie et l’amour, le besoin de croire et la vengeance, le oui et le non, la raillerie et la tendresse, la critique et la foi. De là une guerre interminable dont rien n’apaise la violence. Cette grande harmonie, dont Cervantes et Shakspeare sont les modèles, est rare, sans aucun doute ; Rabelais et Swift ne possèdent que l’une des deux facultés ; Voltaire ne prétend pas à une tendresse mélancolique, ni Pétrarque à une vive ironie. Mais, pourvu que dans une certaine proportion ces facultés de négation et de croyance trouvent leur lien mutuel et se résolvent en un heureux accord, l’art est satisfait, l’œuvre se produit sous des conditions qui peuvent individuellement plaire ou déplaire, sans que personne ait le droit de les refuser. M. d’Israëli pleure plus qu’un autre et rit plus qu’un autre ; on regrette la faculté intermédiaire, le bon sens qui concilierait le rire et les larmes. Il vous fait marcher parmi les fantômes ; tout à coup le terrain solide de la taverne ou du turf exhibe son monde de caricatures exagérées ; Jean-Paul Richter coudoie Swift, et la réalité grossière insulte à l’imagination. La corde sonne toujours trop haut et trop bas ; l’esprit éperdu se trouble dans une succession de violences ennemies. Quelque chose de perpétuellement outré dans la satire et l’élégie, dans le burlesque et la passion, dans la mélancolie et la gaieté, se déguise à peine sous une forme hardie, transparente, chaude et toute