avait publié ce traité comme un bulletin de victoire. Tous les intérêts légitimes de la France étaient satisfaits ; l’empereur de Maroc s’avouait vaincu, et Abdel-Kader allait se trouver sans ressources. Aujourd’hui on apprend qu’Abderrhaman refuse de ratifier un traité signé et ratifié par la France ; il désavoue ses plénipotentiaires et les fait mettre en prison. Les négociations sont peut-être rompues en ce moment, et nous voilà aux prises avec le Maroc, comme si le prince de Joinville n’avait pas bombardé Mogador, et comme si le maréchal Bugeaud n’avait pas remporté la bataille d’Isly.
Grace à Dieu, si nous n’avons pas le plus habile et le plus ferme des ministères, nous avons du moins près du Maroc une brave et forte armée dont le voisinage pourra faire naître dans l’esprit d’Abderrhaman des réflexions utiles. Le délai des ratifications n’est pas expiré. L’empereur peut encore retirer son refus. Néanmoins, pour plus de sûreté, il était nécessaire que ce nouveau fait, si digne de l’attention du pays, fût porté à la tribune. L’opinion commençait à s’alarmer. Les antécédens du ministère, les exigences de sa situation, le langage indiscret de quelques-uns de ses amis, tout pouvait inspirer la crainte d’un nouveau désaveu. Il était bon que la chambre intervînt, afin de fortifier le cabinet contre lui-même, et de le faire entrer, bon gré mal gré, dans la bonne voie.
Deux orateurs, M. Gustave de Beaumont et M. Billault, se sont chargés d’exprimer les sentimens de la chambre. M. de Beaumont a fait un excellent discours ; M. Billault, comme toujours, a été rapide, d’une concision nerveuse, vif sans être amer, éloquent sans être passionné, appréciant sagement les circonstances et les hommes. On a remarqué dans son discours un juste hommage adressé au grand ministre qui dirige d’une main si ferme les destinées du peuple britannique. On n’en dira pas moins que M. Billault est un ennemi déclaré de l’alliance anglaise. Il est si difficile de persuader à certains esprits que le plus sûr moyen de conserver l’alliance anglaise est de soutenir dignement les droits de la France !
La conduite du cabinet dans l’affaire du Maroc a mérité, quoi qu’il arrive de graves critiques. Le traité de Tanger a été la première faute, la plus grande de toutes. Ce traité n’a rien conclu, rien décidé. Question de frontières et de commerce, expulsion d’Abd-el-Kader, il a tout réservé pour l’avenir. Abderrhaman, tremblant et humilié, était sous la main de la France ; on avait des gages contre lui ; on les a restitués. Quand les négociations sont venues, a-t-on pris contre une influence rivale toutes les précautions nécessaires ? L’Angleterre avait des agens dans toutes les villes du Maroc ; où étaient les nôtres ? Nous avions deux consuls, agens capables, personne ne le nie ; mais ce nombre était-il suffisant ? Autre imprudence. A peine nos chambres sont-elles rassemblées, le bruit se répand que le ministère prépare une expédition contre les Kabyles, et ce bruit, accrédité par le ministère, va ranimer dans l’ouest de l’Algérie et dans le Maroc la cause d’ Abd-el-Kader. Voyant sa faute, le ministère en commet une nouvelle pour la réparer. Il déclare que,