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manifeste que son fils vient d’adresser à la nation espagnole, jusqu’à ce que le parti dominant en Espagne, le vrai parti modéré, et non point cette fraction qui tout à coup s’est éprise d’absolutisme, se soit lui-même nettement expliqué. Est-on parvenu, depuis l’an dernier, à vaincre ses répugnances, ou bien les a-t-il conservées tout entières ? Accepte-t-il en ce moment, est-il disposé à subir la réalisation de ce projet, qu’il repoussait avec tant d’énergie il y a quelques mois à peine ? Veut-il ouvrir les portes du royaume à ses ennemis les plus irréconciliables ? Veut-il, en un mot, se livrer de gaieté de cœur à la réaction ? Telle est la question capitale que soulèvent l’abdication de don Carlos et le manifeste du prince des Asturies. Dans très peu de jours, nous saurons à quoi nous en tenir sur les dispositions présentes du parti modéré ; jusque-là nous pencherons à croire que M. Martinez de la Rosa et ses collègues ne voudront pas se mettre en contradiction flagrante avec leurs précédentes déclarations.


Une lettre, qui nous est adressée des parages de la Chine, contient de nouveaux détails sur la mort de M. de Maynard et l’expédition de Basilan. On ne lira pas sans intérêt ces renseignemens qui viennent confirmer, en les complétant, ceux qu’on a déjà pu recueillir sur ce déplorable évènement. La lettre que nous citons est datée du 23 janvier.

« L’île de Basilan, sur laquelle le sang français a coulé il y a deux mois, est située entre 6 et 7° de latitude nord, et 119 et 120° de longitude est. Peut-être va-t-on s’emparer de cette île, au moins le prétexte est bon, et il ne reste qu’à savoir si le pays en vaut la peine. Ce qui est certain, c’est que nous y avons pensé et que nous cherchions, dans cette partie des mers de la Chine, à fonder un établissement colonial ou un poste militaire. Je crois qu’à cet effet on avait jeté les yeux sur l’île de Basilan, voisine de Mindanao, et nominalement dépendante du sultan de Sooloo, habitée par une population féroce et perfide, vouée depuis des siècles à la piraterie, et placée assez avantageusement pour le commerce des Moluques et des Philippines, sur un chemin qui est assez fréquenté en certaines saisons.

Vers le commencement du mois d’octobre dernier, les corvettes la Sabine et la Victorieuse sont parties de Macao pour une mission qu’on voulait tenir secrète, et qui se couvrait d’un prétexte d’hydrographie. La première, qui est partie de Macao un peu avant l’autre, avait à bord un certain docteur Mallat, qui a résidé long-temps à Manille, et que des protections inexplicables ont fait renvoyer dans l’Indo-Chine avec le titre d’agent colonial. Cet homme paraissait destiné à remplir les fonctions d’interprète du malais, qu’il ne connaît pas, et, jusqu’à un certain point, de commissaire du gouvernement dans l’expédition commandée parle capitaine de la Sabine. Les deux corvettes se sont rendues dans les parages de Basilan ; mais, quand la Victorieuse y est arrivée, elle n’y a plus trouvé la Sabine. Celle-ci avait atteint sa destination le 19 octobre, et procédait à la reconnaissance hydrographique et topographique de l’île Basilan, quand ses travaux furent arrêtés, le