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celle de la jeune reine ; bien des gens encore sont persuadés que la question serait déjà résolue, en dépit de la reine-mère elle-même, si le fils aîné de l’infant don Francisco de Paula n’avait brusquement reçu l’ordre d’aller en Aragon se replacer à la tête de son régiment. Aujourd’hui, il n’est pas plus question du comte de Trapani, du prince de Saxe-Cobourg, du duc de Cadix, que s’ils n’avaient jamais existé : c’est le prince des Asturies qui, à son tour, absorbe l’attention publique. Don Carlos ayant abdiqué ses droits à la couronne, le prince des Asturies devient le représentant de la cause vaincue en Navarre, et qu’on espère relever par une transaction. Nous dirons à ce sujet notre pensée tout entière, bien sûrs que l’évènement ne viendra point tromper nos prévisions. Que le parti carliste désire aussi ardemment que possible faire triompher par un mariage une cause perdue sur tant de champs de bataille ; qu’un tel projet soit le rêve des plus dévoués champions du prétendant, en Espagne comme en dehors de la Péninsule, grands du royaume, évêques et généraux ; que les uns et les autres rapportent à un tel but toutes leurs démarches, toutes leurs espérances ; que, pour la réalisation de ces espérances, ils comptent sur l’appui efficace, l’appui actif des plus hauts personnages à Madrid comme à Paris, nous croyons qu’à ce sujet il est impossible de conserver le moindre doute. Il y a sept mois déjà, au moment où se réunissaient les cortès de 1844, nous avons pu, sans craindre de nous trop hasarder, signaler clairement ces tendances, qui se sont depuis lors singulièrement enhardies. A cette époque, le bruit courut également en Europe de la prochaine alliance du prince des Asturies avec la reine. Dans les journaux modérés, la seule rumeur souleva une violente colère qui fut long-temps à se calmer ; on se souvient encore en Espagne des éloquentes protestations de l'Heraldo, qui faisait justice d’une accusation alors dirigée contre le parti dominant. Au nom de ce parti, au nom de tous ses collègues, M. Martinez de la Rosa déclarait en plein sénat qu’on ne parviendrait point à faire réussir par l’intrigue ce dont les armes avaient eu raison. Certes, nous le pouvons affirmer, de la part de Narvaez et de ses journaux, la répugnance contre le mariage de la reine avec le prince des Asturies n’était pas le moins du monde affectée. Par des personnes qui depuis ont pris une part considérable aux affaires de la Péninsule, nous avons entendu parfaitement déduire les raisons péremptoires qui devaient empêcher toute transaction avec la famille du prétendant. Nous ne voulons point ici rappeler ces raisons ; cela nous paraît complètement inutile : ne sait-on pas comment se font les réactions, et quelles conséquences extrêmes elles doivent nécessairement entraîner ? Si jamais le fils du prince que l’on a combattu sept ans en Navarre s’assied sur le trône à côté de la reine Isabelle, est-ce donc se montrer pessimiste que de prédire de nouveaux malheurs à l’immense majorité des membres du parti modéré, aux plus dévoués, aux plus célèbres, à ceux qui, en définitive, ont le plus fait pour les principes de la révolution ? Non, évidemment ; aussi croyons-nous que tout jugeaient doit être ajourné sur les conséquences de l’abdication du prétendant, sur la portée du