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sous une intrigue française, comme on l’a dit, mais sous ses propres fautes. Il est tombé de telle sorte qu’il n’avait guère chance de se relever, si le parti contraire, en faisant aussi mal ou pire, ne se chargeait de le réhabiliter. Or, l’œuvre marche assez bien, et semble approcher de son terme. En attendant, aimée des exaltés, redoutée des modérés, l’Angleterre s’arrange pour que toutes les chances tournent en sa faveur. Si les exaltés reviennent aux affaires, elle triomphe avec eux ; si les modérés s’y maintiennent, elle leur impose et les domine. Les exaltés, au contraire, détestent la France, et les modérés se plaignent d’elle. Les questions qui, en 1844, touchaient, disait-on, à leur solution, la question du mariage, la question commerciale, ont-elles du moins été résolues tant bien que mal ? Pas le moins du monde. L’exclusion donnée par l’Angleterre à un prince français a eu son plein effet, et ce prince ne peut plus devenir l’époux de la reine d’Espagne. Tel est, quant au mariage, l’unique résultat obtenu, et le champ reste d’ailleurs libre à tous les prétendans. La question commerciale est encore moins avancée, s’il est possible, et la contrebande se charge, comme par le passé, de donner à qui l’on sait le bénéfice du statu quo. Ce n’est certes pas là ce qu’espérait en 1844 M. le ministre des affaires étrangères, et ce qu’il promettait à la chambre.

Qu’on ne s’y trompe donc pas : entre les deux patronages, entre les deux influences, la lutte est aujourd’hui, en Espagne, aussi ardente que jamais, et jusqu’ici l’avantage ne semble pas être du côté de la France. Voici d’ailleurs un évènement qui va remuer profondément les esprits en Espagne, et modifier peut-être toutes les situations. Il existait jusqu’à ce jour deux prétendans notoires à la main de la jeune reine, le neveu du roi de Naples, présenté par la France, le fils de l’infant don François de Paule, agréé par l’Angleterre. Un troisième, qui se dit roi légitime, vient de se proposer à son tour, et il n’est pas sûr qu’en Espagne cette proposition ne coupe pas en deux l’ancien parti modéré. Quelle sera, dans ce conflit nouveau, l’attitude de la France et celle de l’Angleterre ? Personne ne saurait le dire à l’avance ; mais il paraît fort douteux, si la France reste fidèle à la révolution, qu’un salutaire accord s’établisse et que l’entente y gagne.

Sur l’affaire du Maroc comme sur toutes les autres, je ne prétends m’appuyer que de faits patens, établis, démontrés. Je laisse donc à l’écart tout ce qu’on a dit de la mission de M. Drummond Hay et de la conduite du gouverneur de Gibraltar. Je ne recherche pas si, dans nos différends avec le Maroc, l’Angleterre a toujours joué le rôle d’une alliée fidèle et sincère. J’oublie même les grossières insultes qui sont