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parties de quelques bâtimens anglais contre nos marins et nos soldats. Ces insultes ont été désavouées par l’autorité supérieure ; M. Drummond Hay et sir Robert Wilson se sont défendus de tout acte hostile à la France. Je m’en tiens aux déclarations publiques ; mais il y a des paroles publiques aussi, il y a des pièces officielles auxquelles sans doute il est permis de demander quels ont été les sentimens, quelle a été l’attitude du gouvernement anglais dans cette grave circonstance. Or, de ces paroles et de ces pièces, que résulte-t-il ? Ce n’est point la France qui était allée chercher le Maroc, c’est le Maroc qui était venu chercher la France. Les morts du Maroc étaient donc trop évidens, et les droits de la France trop incontestables, pour que le cabinet anglais pût avoir la pensée de les mettre en doute. Quels que fussent ses ombrages et ses inquiétudes, le cabinet anglais, dès-lors, devait s’abstenir de toute manifestation hostile ou menaçante. Est-ce ainsi qu’il s’est conduit ? Pour affirmer que des réclamations formelles ont été faites, que des engagemens positifs ont été exigés, il faudrait avoir sous les yeux toute la correspondance diplomatique ; il faudrait surtout connaître les conversations qui ont eu lieu à Londres entre M. de Jarnac et lord Aberdeen, à Paris entre M. Guizot et lord Cowley ; mais, à l’aide des cinq ou six dépêches triées entre beaucoup d’autres et offertes à l’admiration des chambres et du pays, il est aisé, pour qui sait lire, de découvrir le sens et la clé de la négociation tout entière.

«  Déjà, écrit M. de Jarnac dans sa dépêche du 4 août, la situation des affaires du Maroc et l’arrivée de M. de Nesselrode avaient excité quelques doutes sur le maintien des relations intimes des deux cabinets. J’ai lieu de craindre que, sans une prudence très grande de part et d’autre, la politique proclamée par les deux couronnes, il n’y a pas encore six mois, ne soit gravement menacée.

« La nouvelle de l’attaque de Tanger et du départ de l’escadre pour Mogador, écrit le même M. de Jarnac, a produit à Londres une sensation d’autant plus vive, que l’on s’était plu à compter, d’après les nouvelles antérieures, sur une solution pacifique de nos différends avec le Maroc. Je regrette de trouver encore sur cette question et sur notre démonstration devant Tunis des préventions très injustes mêlées à de sincères inquiétudes sur le maintien des bonnes relations entre les deux cours. J’entends sans cesse contester autour de moi, dans le public, le caractère inévitable de cette guerre, préjudiciable surtout, affirme-t-on, aux grands intérêts commerciaux de l’Angleterre dans le Maroc… J’ai lieu de craindre, ajoute M. de Jarnac, que les