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restituer l’une après l’autre à la France et à ses alliés les innombrables colonies qu’elle leur avait prises dans toutes les parties du monde. Deux de ces conquêtes lui tenaient particulièrement à cœur, et elle -avait vainement essayé pendant les négociations de se les faire céder nous voulons parler du Cap et de Malte. Le Cap fut rendu aux Hollandais. Quant à Malte, qui devait être évacuée dans le terme de trois mois, le gouvernement britannique laissa d’abord expirer ce délai sous prétexte de réclamer des sûretés pour l’indépendance de l’île. Bientôt, cédant aux clameurs de l’opinion publique, qui, déjà éveillée, dénonçait comme une trahison l’abandon de cette clé de la Méditerranée, il parla de la garder au moins pour quelques années. Aux plaintes de la France, qui rappelait le texte du traité, on répondait que, le gouvernement français ayant, par ses envahissemens récens, changé la position relative dans laquelle il se trouvait au moment de la conclusion de la paix et dérangé à son profit l’équilibre politique, l’Angleterre n’était pas tenue de se conformer rigoureusement à la lettre d’un traité fondé sur la supposition d’un état de choses qu’on avait si gravement altéré.

La querelle ne tarda pas à s’aigrir. Des deux côtés de la Manche, on en suivait les phases avec un vif intérêt. Les esprits s’irritaient. Déjà, en Angleterre, on semblait las et humilié de cette paix qu’on avait tant désirée et saluée de si vives acclamations. D’un autre côté, le premier consul, exaspéré par les violences, les injures, les sarcasmes de la presse anglaise, faisait demander au ministère anglais la répression et le châtiment des outrages dont il était l’objet, le renvoi des princes français aussi bien que des principaux émigrés, coupables, à ses yeux, d’avoir inspiré ces outrages ; et tandis qu’à Londres ces réclamations arrogantes provoquaient une vive indignation, non-seulement contre le gouvernement français, mais contre le ministère, qui ne les repoussait pas avec assez d’énergie, Bonaparte, dans son ignorance de l’esprit anglais et de la législation britannique, s’étonnait, s’irritait du peu d’accueil fait à ses demandes, et se livrait à des emportemens qui devaient rendre toute conciliation impossible. On négociait encore ; mais déjà la guerre était devenue tellement probable, que, de part et d’autre, on s’y préparait, et que le gouvernement anglais avait cru devoir entretenir le parlement de ses inquiétudes pour en obtenir les subsides jugés nécessaires à la sûreté de l’état.

Le ministère, qui, à défaut d’autres titres plus brillans, avait pu jusqu’alors se prévaloir du rétablissement de la paix, était donc sur