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de ses états continentaux, et de plus, l’évacuation immédiate de la Hollande et de la Suisse par les troupes françaises. Cet ultimatum n’ayant pas été accepté, l’ambassadeur quitta Paris le 12 mai 1803. Le cabinet de Londres donna l’ordre de saisir immédiatement tous les vaisseaux français, et par une représaille dont on se montra naïvement indigné en Angleterre, le premier consul fit arrêter les Anglais qui voyageaient en ce moment en France. Ainsi recommença, par des procédés si peu dignes de deux nations civilisées, la terrible guerre qui ne devait plus finir que lorsqu’elle aurait amené la ruine d’une des parties belligérantes. La Hollande, soumise à l’influence absolue du gouvernement du premier consul, ne tarda pas à s’y trouver entraînée, le cabinet de Londres ayant annoncé que, dans l’état actuel des choses, il ne pouvait voir en elle une puissance indépendante.

Le ministère anglais mit, suivant l’usage, sous les yeux du parlement, les pièces de la négociation qui avait précédé la rupture. Les adresses ordinaires d’adhésion furent votées à d’immenses majorités, malgré les efforts de Fox et de ses amis pour y faire introduire des amendemens d’un caractère pacifique. Pitt prit part à la discussion ; il soutint que les usurpations de la France justifiaient complètement la rupture du traité d’Amiens. Il insista sur la nécessité d’organiser, dès le premier moment, un système financier et militaire qui, en proportion avec les besoins d’une guerre longue et difficile, eût tout à la fois pour effet d’encourager la nation et de donner à l’Europe la conviction que l’Angleterre ne reculerait pas dans la lutte qu’elle venait d’entreprendre. Jamais, dit-on, il n’avait parlé avec plus de force et d’éloquence, et ce discours, dont par suite d’un incident malencontreux on n’a pas conservé le texte, fut, à plusieurs reprises, couvert d’unanimes applaudissemens. On remarqua que Pitt s’y était abstenu d’énoncer aucune opinion sur la politique du ministère, et on vit dans cette réserve l’équivalent d’un blâme indirect.

Peu de jours après, Fox ayant proposé d’inviter le roi à accepter la médiation offerte par l’empereur Alexandre, Pitt, tout en parlant avec éloge de la démarche amicale du cabinet de Saint-Pétersbourg, et même en conseillant au ministère de chercher à se rapprocher de la Russie, repoussa, comme intempestive, cette motion qui fut retirée. Rien n’annonçait encore que personnellement Pitt voulût se mettre en état d’hostilité formelle contre le cabinet. Néanmoins, ses amis les plus zélés se disposaient évidemment à commencer l’attaque. Addington, ainsi menacé, se crut forcé de chercher des auxiliaires parmi les hommes qu’il avait long-temps combattus. Le public n’apprit pas sans