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les nègres venus de Montevideo, nous arriverons au chiffre de 50,000 pour tout le Brésil, chiffre inférieur sans doute à celui de 80,000 que la traite atteignait en 1830, mais probablement fort au-dessous de la réalité.

Il est impossible de se faire une idée exacte des résultats de la traite à l’île de Cuba : ses côtes ont un développement immense, quantité de rivières et de criques offrent aux négriers des points de débarquement commodes ; il arrive souvent qu’on peut déposer une cargaison d’esclaves au sein même ou dans le voisinage des plantations auxquelles ils sont destinés. En cas de perquisition, il est facile d’envoyer les nègres dans l’intérieur de l’île, où il n’existe ni routes, ni habitations, pour les ramener, le danger passé ; mais ces perquisitions n’ont jamais lieu, car les autorités locales ont de tout temps accordé leur appui aux trafiquans d’esclaves. Aussi la traite a-t-elle été faite à Cuba sur une très grande échelle, et l’impossibilité d’obtenir des renseignemens précis a jeté les calculateurs philanthropes dans des exagérations incroyables. Les journaux abolitionistes parlent de 140,000 nègres importés par an. Les commissaires anglais à la Havane portent à 15,000 le nombre des nègres débarqués par les navires entrés dans ce seul port en 1835, et comme ils prétendent qu’un quart seulement des négriers entrent au port, cela donnerait 60,000 noirs pour la Havane et ses environs. Il est juste d’observer que, le choléra ayant fait les plus grands ravages parmi les esclaves de Cuba, la traite prit en 1835 et 1836 une activité extraordinaire. M. Buxton, dans son ouvrage sur l’esclavage, adopte 60,000 pour l’importation annuelle de Cuba et de Porto-Rico.

Il résulte des registres des douanes que, de 1791 à 1816, on importa à Cuba 138,000 nègres, et on évalue à un peu plus les esclaves introduits clandestinement pour échapper aux droits ; ce qui donne 300,000 nègres pour toute cette période ou 11,000 par an. L’activité que la paix imprima à l’agriculture et au commerce de Cuba, la crainte de voir le gouvernement espagnol céder aux instances, de l’Angleterre et interdire l’introduction des esclaves, donnèrent à la traite une très forte impulsion. De 1817 à 1820, 79,084 nègres furent importés en acquittant les droits, et si l’on double ce chiffre, comme le font les commissaires anglais, on arrive à 156,000 pour quatre années ou 39,000 par an. La convention de 1821 ne put arrêter qu’un moment ce développement de la traite, et jusqu’à l’année 1835 les commissaires anglais évaluent à 40,000 l’importation annuelle des esclaves dans l’île