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Le surlendemain, Pitt vint annoncer à la chambre des communes que lord Melville avait résigné ses fonctions ministérielles. On espérait que les choses en resteraient là, mais l’opposition poursuivit sa victoire. Whitbread voulait que le roi fût prié, par une adresse, de tenir à jamais lord Melville éloigné des emplois publics. Canning ayant fait remarquer qu’une telle manifestation contre un homme qui n’était pas légalement condamné serait bien étrange, Whitbread retira sa motion, mais il fit décider que la résolution qui venait d’être prise serait portée au roi par la chambre tout entière. Bientôt après, le 6 mai, Whitbread proposa de provoquer la radiation de lord Melville de la liste des conseillers privés. Pitt déclara d’une voix émue et en termes douloureux qu’accoutumé à faire passer ses devoirs publics avant ses affections personnelles, il avait déjà fait prendre cette mesure sévère contre son ancien collègue. Whitbread demanda si lord Melville était encore investi de quelques fonctions dont il pût être destitué. On répondit que les seules qui lui restassent étaient inamovibles. Enfin, le 11 juin, sur la motion de ce même Whitbread, lord Melville, après avoir été entendu dans sa défense, qu’il voulut prononcer en personne devant la chambre des communes, fut décrété d’accusation à la majorité de 238 voix contre 219. Pitt fit décider ensuite qu’il serait poursuivi devant la chambre des lords et non par les voies de la justice ordinaire, comme cela avait d’abord été convenu et comme le désirait l’opposition, qui, apparemment, comptait davantage sur l’efficacité de ce genre de poursuite.

Whitbread, encouragé par le succès, avait eu la pensée de comprendre Pitt lui-même dans ses attaques. La probité, le désintéressement de ce grand homme étaient trop bien établis pour que ses ennemis les plus ardens pussent avoir la hardiesse de les mettre en doute ; mais un fait qui ressortait du rapport de la commission d’enquête, c’est que, quelques années auparavant, il avait sanctionné l’avance faite par lord Melville à une maison de banque d’une somme de quarante mille livres sterling, destinée à faciliter des opérations qui devaient avoir pour résultat de soutenir le crédit public. Whitbread proposa de déclarer qu’il n’était résulté, qu’il n’avait même pu résulter de cette avance aucun dommage pour l’état, mais qu’elle était irrégulière et constituait un précédent dangereux. Quelque mitigée que fût une telle censure, les explications du ministre suffirent, non-seulement pour la faire repousser, mais pour lui attirer un vote d’approbation formelle.

Malgré ce triomphe personnel, l’effet général de cette discussion,