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sur le rapport d’une commission, d’être donnés au public. Actuellement, chaque semaine il parait un gros cahier in-4o, d’environ une centaine de pages, dans lequel on insère, sans choix et sans critique, les pièces adressées à l’Académie. Parfois des travaux d’un grand mérite y sont à peine indiqués par leur titre, tandis que des écrits indignes de l’attention des savans y sont imprimés en entier ou longuement analysés. Cette publication précoce d’ouvrages renvoyés souvent à l’examen d’une commission est absolument contraire aux précédens de l’Académie, qui a toujours évité, avec raison, de se prononcer sur des écrits déjà soumis au jugement du public.

On conçoit d’ailleurs qu’une telle publicité accordée gratuitement à toutes les pièces de la correspondance adressée à l’Académie est un appel à l’industrie qui cherche partout des annonces. C’est surtout à ce mélange de bon, de médiocre et de mauvais, à cette invasion de l’industrie dans les sciences, qu’il faut attribuer la résolution prise par quelques savans d’adopter un autre mode de communication avec le public. Comment en serait-il autrement lorsque M. Arago absorbe à lui seul les trois quarts des séances, pour rendre compte des pièces de la correspondance et pour se jeter à cette occasion en d’interminables digressions, tandis que les membres de l’Académie, même quand ils remplissent un devoir en lisant quelque rapport sur des ouvrages qu’on les a chargés d’examiner, sont parfois interrompus par lui, impatient de se mettre en scène au profit des étrangers et souvent à son propre profit. A cet égard, la dernière séance de l’Académie a offert le spectacle le plus étrange. Tous les membres avaient été convoqués à domicile pour la présentation des candidats à une place de correspondant dans la section de mécanique. Cette présentation devait avoir lieu en comité secret. Malheureusement, le neveu de l’empereur Napoléon, qui est actuellement à Paris, assistait à cette réunion, et M. Arago n’a pu résister à l’envie de faire au prince les honneurs de la séance. A défaut de la harangue officielle, M. Arago a cru devoir saisir une occasion telle quelle de présenter au fils de l’ex-roi de Westphalie un exposé de certaines expériences que le savant secrétaire perpétuel a faites il y a plus de vingt ans. Nous ignorons si le rejeton de la famille impériale est fort versé dans la physique, mais il est permis de croire que M. Arago aurait mieux fait les honneurs de l’Académie, s’il avait pu rendre compte de travaux moins anciens. C’est là, du moins, ce que nous avons entendu affirmer par plusieurs académiciens. Quoi qu’il en soit, malgré les réclamations de MM. Cauchy et Dupin, membres de la section de mécanique, cet épisode, suivi de plusieurs autres, s’est tellement prolongé, que le comité secret n’a pu avoir lieu, et qu’il a été renvoyé au jour où un auditoire moins illustre permettrait à M. Arago d’être plus bref. Par une singularité piquante, ces belles improvisations dont on gratifie l’auditoire ne paraissent presque jamais dans les comptes rendus, qui n’ont pas même le mérite de reproduire tout ce qui s’est passé à la séance. Ainsi, lorsque dernièrement, une discussion intéressante a eu lieu à l’Académie à propos de l’astronomie des Arabes,