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je vous laisse l’alternative ou de réclamer ces fonds en capital, ou de recevoir, pour chaque somme de 100 francs qui vous est due, une rente de 4 et demi, laquelle vaut actuellement plus de 100 francs à la Bourse. » En pareil cas, l’hésitation n’est guère permise, et le choix à faire n’est pas douteux. Tout créancier bien avisé, renonçant au remboursement auquel il a droit, acceptera les nouveaux titres qu’on lui offre en échange, puisqu’il trouvera dans cette option un bénéfice clair, assuré, immédiat. Quant aux exceptions en petit nombre qui pourraient se rencontrer, elles ne s’expliqueraient que par une ignorance assez rare en pareille matière, ou par une négligence qui n’est guère plus commune. Toutefois, quelques cas semblables devant naturellement se présenter, il est entendu que le gouvernement devrait se mettre, à tout évènement, en mesure de satisfaire à ces demandes exceptionnelles.

On a quelquefois supposé, nous na savons pourquoi, que l’état, lorsqu’il offre à ses créanciers ou le remboursement ou la conversion des rentes, spécule sur l’embarras où il les jette, sur la difficulté qu’ils éprouveraient, dans le cas d’un remboursement intégral, à trouver immédiatement le placement de leurs fonds. Rien de plus injuste et de moins fondé que cette supposition. Si un gouvernement pouvait jamais concevoir une telle pensée, ce qui serait, pour le dire en passant, fort immoral, il serait à coup sûr trompé dans son calcul, car cet embarras prétendu n’existe point. De deux choses l’une : ou le titre offert en échange de celui que l’on veut convertir vaut plus que le pair, ou il vaut moins. Dans le premier cas, l’état n’a pas besoin de spéculer sur l’embarras de ses créanciers, puisqu’il leur offre mieux que le remboursement auquel ils ont droit ; il n’a besoin que de compter sur leur raison, sur leur bon sens, sur les suggestions ordinaires de leur intérêt personnel, et enfin sur leur aptitude à faire la plus simple des opérations de l’arithmétique. Dans le second cas, c’est bien vainement qu’il croirait les tenir à sa merci. Où seraient en effet pour eux ces difficultés que l’on suppose ? Vous m’offrez, vous, gouvernement, à moi, rentier de l’état, ou 100 francs de capital ou 4 et demi de rentes, qui ne valent actuellement que 99 francs à la Bourse, et vous pensez m’obliger à accéder de préférence à cette dernière offre parce que je trouverais difficilement à placer mes fonds : je prends les 100 francs, et si ces fonds m’embarrassent, si je n’en trouve pas ailleurs un placement avantageux, si je tiens enfin à demeurer rentier de l’état, j’irai de ce pas à la Bourse, et ce même 4 et demi que vous voulez me faire accepter comme l’équivalent de 100 francs, je l’achèterai à 99, cours du jour. Il n’y a donc dans tout ceci ni calcul machiavélique