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Quand arrive-t-il donc que la conversion est possible ? C’est lorsque le titre placé sur l’échelle des rentes immédiatement au-dessous de celui que l’on veut convertir vient à franchir le pair. En d’autres termes, le 5 pour 100, par exemple, est réductible en 4 et demi, quand ce dernier vient à valoir plus de 100 francs à la Bourse.

Que jusque-là la conversion soit impraticable, c’est ce qu’il est trop facile de comprendre. Il faut partir de cette vérité que le remboursement du capital des rentes est rigoureusement impossible en fait, surtout pour un fonds aussi considérable que le 5 pour 100 français. Il ne s’agit pas moins, en effet, que d’un capital de deux milliards et demi. Comment l’état pourrait-il jamais effectuer en réalité une liquidation semblable ? Aussi l’offre du remboursement est-elle toujours accompagnée en pareil cas de celle d’une conversion des anciens titres en d’autres titres nouveaux, et l’état laisse aux créanciers l’option entre ces deux offres. Il espère qu’au lieu d’accepter le remboursement pur et simple du capital de leurs créances, la plupart d’entre eux se décideront pour la conversion qu’il leur présente. C’est sur cette espérance que toute l’opération se fonde ; elle seule la rend possible. Cependant, pour que cette espérance ne soit pas trompée, il faut que la conversion offre des avantages pour le moins aussi grands que le remboursement, ce qui n’a lieu qu’autant que les nouveaux titres ont eux-mêmes une valeur supérieure au pair. Si le 4 et demi, par exemple, ne valait actuellement que 99 francs à la Bourse, sur quel fondement espérerait-on le faire accepter au lieu d’un remboursement à 100 francs ? Que si, dans de telles circonstances, la conversion pouvait encore être tentée, ce serait à cette seule condition, qu’on offrirait aux rentiers, en dédommagement de la perte réelle qu’on leur ferait subir, la perspective d’un accroissement du capital dans l’avenir. Ce serait alors une combinaison d’une autre sorte, combinaison fort délicate, admissible pourtant, et sur laquelle nous reviendrons.

Mais si le 4 et demi, au lieu d’être à 99 francs, comme nous venons de le supposer, s’élève au-dessus du pair et s’y maintient, nul doute que la conversion ne devienne alors possible, et même facile. Il n’est plus nécessaire de recourir à des combinaisons savantes, d’imaginer des dédommagemens ou des compensations. L’opération est toute tracée par la situation des choses, et porte avec elle tous ses élémens de succès. L’état dit à ses créanciers, porteurs du 5 : « J’ai le droit de vous rembourser au pair, c’est-à-dire à raison de 100 francs de capital pour 5 francs de rentes, et ce droit, le moment est venu pour moi d’en user. Je suis donc prêt à vous restituer vos fonds. Cependant, soit dans votre intérêt personnel, soit pour ma propre commodité,