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qu’elle doit à l’immortel Riquet ; la Hollande a celui du Helder ; ces deux grandes artères de navigation artificielle ont rendu des services que les chemins de fer ne doivent point faire oublier, qu’ils ne remplacent pas toujours. Au lieu donc d’entretenir entre ces deux agens de relations, les chemins de fer et les chemins d’eau, une rivalité, une concurrence, un antagonisme, nous croyons que mieux vaut les considérer comme les satellites de la vie industrielle ou agricole pour les populations qu’ils traversent. Les bateaux à vapeur ont contribué, avant les chemins de fer, à développer l’élément de circulation.

Les chemins de fer, les canaux et les lignes fluviales ne seraient pourtant rien encore sans leur combinaison avec les grandes lignes maritimes. Les wagons n’iront jamais si loin que les paquebots ; la mer demeurera toujours l’agent des communications à grande distance, c’est sur elle que la vapeur exercera une influence encore plus étendue. Aujourd’hui, presque toutes les voies navigables sont ouvertes. On ne connaît plus ces retards qu’imposait la direction des vents ; l’arrivée des paquebots pour le service des lettres et des voyageurs est prévue maintenant comme celle des voitures publiques. Toutes les parties du globe communiquent par ces mêmes flots qui ont servi si long-temps à les diviser ; la mer n’est plus une lacune entre les continens, c’est un lien. Quelques coups de canon ont suffi à renverser la barrière que la Chine avait élevée depuis des siècles autour de ses deux cent cinquante millions d’habitans ; les profondeurs de l’Orient sont mises à découvert. Il n’y a pas cinquante ans, nos livres de géographie ne connaissaient que quatre parties du monde ; la main des navigateurs a soulevé le voile sur ce groupe d’îles mystérieuses que la nature cachait dans des mers vierges. L’Océanie a aujourd’hui sa place sur la carte et jusque dans nos discussions politiques. Les voyages de long cours ont pris des développemens inouis, et le nombre des voyageurs augmente sur toutes les mers avec les progrès de la navigation.

Ce vaste ensemble de communications est-il destiné à exercer une influence sur les rapports des races ? Il nous semble que la réponse à une telle question n’est pas douteuse. À mesure que l’homme civilisé s’étend et se dilate à la surface du globe terrestre, il en rattache entr’eux les habitans. Nous ferons observer en outre que toutes les grandes découvertes ont concouru au même résultat. L’invention de la poudre à canon contribua dans les âges de barbarie à rendre la guerre plus fréquente ; or, la guerre met les peuples en contact. La boussole, en dirigeant les entreprises des navigateurs, a réuni des hommes et des mondes étonnés de se rencontrer sur la même planète. L’imprimerie,