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les autres qu’elle prive ainsi d’un moyen de perfectionnement. Dernier-né peut-être de son espèce, l’homme blanc, l’homme adamique, doit ramener à son type toutes les variétés humaines ; l’égoïsme même lui conseille en ce cas de ne point les comprimer par la violence et l’injure ; développer les germes qui languissent, c’est encore pour lui féconder les élémens futurs de sa race.

Nous avons vu les conditions du croisement, nous allons rechercher son influence. Si nous suivons toujours le fil conducteur de la science, nous arriverons à mettre le pied sur un terrain positif où les faits nous répondent des théories. M. Serres a fait l’observation suivante : toutes les fois qu’on considère les races humaines à l’état pur, on trouve que chacune d’elles a un tempérament uniforme qui prédomine sur tous les individus ; quand c’est l’inverse qui a lieu, c’est-à-dire quand on a sous les yeux une race très mélangée, on distingue une variété considérable de tempéramens, et les individus qui les représentent ont les dispositions morales des races dont ils sont originaires. Ce fait, sur lequel nous reviendrons, parce qu’il amène des conséquences très nombreuses, nous dévoile déjà une des influences du croisement, qui est de multiplier les manifestations de la nature humaine.

Le hasard ayant amené, cet hiver, à Paris, deux sauvages botocudes, la science a eu l’occasion d’examiner de près et à loisir l’état élémentaire de cette race américaine, la plus mystérieuse de toutes celles qui existent. M. Serres constata un fait remarquable : les racines de la perfectibilité humaine, dans cette race, semblent appartenir à la femme, de telle sorte que l’abrutissement de ces populations sauvages a sa cause dans l’état de dégradation sous lequel la femme a été tenue par l’homme. Si cette remarque pouvait s’étendre aux autres races, la femme, agent actif dans l’œuvre de la reproduction, se montrerait à nous comme le moule du progrès ; or la science entrevoit déjà la certitude d’élever ce fait à la hauteur d’une loi générale. Le penchant qui attire les sexes de différentes races à s’unir n’est point un mouvement aveugle. Les races inférieures sont destinées à servir d’aliment aux races supérieures ; les traits qui dessinent les premières ne seront pour cela ni effacés, ni confondus ; leurs caractères, loin d’être détruits, se conserveront au sein même de la race caucasique dont ils augmenteront la variété.

Avec ces principes généraux, nous avons un moyen de juger l’influence du croisement des races sur les sociétés. C’est à la physiologie