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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 mars 1845.


Ce n’est pas un plaisir pour nous de raconter les défaites du pouvoir. Nous voudrions que le pouvoir fût fort et respecté. Aussi, nous éprouvons toujours un sentiment pénible en reprenant le chapitre des faiblesses ministérielles. Ce chapitre, d’ailleurs, commence à devenir bien monotone ; mais qu’y faire ? Est-ce notre faute si le ministère du 29 octobre se rapetisse tous les jours ? Sommes-nous les seuls à répéter sans cesse que le pouvoir s’amoindrit, que l’autorité diminue, que le gouvernement s’en va ? Le mal que tout le monde voit, pouvons-nous le cacher ? Les inquiétudes, les craintes que tant de gens éprouvent, faut-il les dissimuler ? Et si nous avons le malheur de redire souvent les mêmes choses, est-ce à nous qu’il faut s’en prendre ?

La quinzaine qui vient de s’écouler n’a pas été brillante pour le cabinet. L’opposition, il est vrai, a été battue dans une rencontre où elle s’était avancée un peu témérairement ; mais cet échec isolé disparaît au milieu des revers ministériels. Dans une discussion importante, celle des douanes, on a vu le cabinet, tremblant devant la majorité, abandonner l’une après l’autre ses convictions pour adopter celles de ses adversaires, refuser le combat de peur d’être vaincu, livrer à des passions rivales les intérêts industriels et commerciaux placés sous sa protection, déserter la cause de notre marine, et substituer, dans les traités de commerce, la volonté ou les caprices du parlement à la prérogative royale. Ainsi se pratique aujourd’hui et s’exécute à la lettre ce principe, que le gouvernement représentatif est le gouvernement de la majorité. En effet, la majorité ordonne ; le pouvoir s’incline et obéit : voilà comment le ministère du 29 octobre entend la vérité du gouvernement représentatif.

Voyons ce qui s’est passé à la chambre des députés. La proposition de M. Duvergier de Hauranne a été l’objet d’une discussion sérieuse. L’honorable député proposait, comme on sait, l’abolition du scrutin secret. Toutes les objections que l’on peut faire contre le scrutin secret sont bien connues. Premièrement il expose la législature à se contredire, à se déjuger elle-même. On a vu plus d’une fois le scrutin secret annuler les décisions que la chambre avait rendues par assis et levé ; or de semblables contradictions sont un danger pour les mœurs publiques et pour la dignité du parlement. Pourquoi d’ailleurs