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cette motion, en représentant qu’elle était dirigée contre les prérogatives de la royauté, puisqu’elle avait pour but évident de lui imposer le maintien des ministres actuels. Les esprits étaient trop échauffés pour que de telles considérations pussent les arrêter, et Fox, encore secrétaire d’état, s’oubliant jusqu’à dénoncer très clairement l’action du monarque, fut couvert d’applaudissemens.

La guerre était déclarée, le roi l’accepta. Il fit redemander aux deux secrétaires d’état les sceaux de leur office, leur enjoignant de les renvoyer par les sous-secrétaires, au lieu de les lui rapporter eux-mêmes suivant l’usage, attendu que, dans les circonstances, une entrevue personnelle ne pouvait que lui être désagréable : c’étaient les termes de l’ordre royal. Les sceaux furent remis à lord Temple, qui, le lendemain, envoya à tous les autres ministres leurs lettres de démission, et s’empressa ensuite de résigner le pouvoir dont il avait été investi pour cette espèce d’exécution. Il s’était trop compromis dans les derniers évènemens qui venaient de se passer pour que son entrée au ministère n’eût pas eu le caractère d’une dangereuse bravade.

Pitt, qui n’avait pas quitté un moment le terrain parlementaire et que ses talens plaçaient d’ailleurs à la tête des adversaires du cabinet déchu, fut chargé de former et de diriger l’administration nouvelle. Cette fois il n’hésita pas. Il ne se dissimulait certainement pas les immenses difficultés de la tâche qu’on lui imposait ; mais, en véritable homme d’état, il comprit que son jour était arrivé, et qu’après avoir renversé un ministère et contribué à placer le roi dans une situation aussi grave, il n’avait pas le droit de lui dénier son appui ; il dut se dire aussi qu’étant alors le seul homme qui fût en mesure de prendre la direction des affaires, il ne pourrait s’y refuser sans renoncer à tout avenir, sans se déclarer incapable, sans se faire, en un mot, un tort plus grand que celui même qui résulterait pour lui d’un échec. On doit supposer d’ailleurs que sa sagacité découvrait, à travers la force apparente du parti opposé, le secret de sa faiblesse.

Pitt accepta donc les fonctions de premier lord de la trésorerie et en même temps celles de chancelier de l’échiquier. Lord Carmarthen, depuis duc de Leeds, et Thomas Townshend, récemment élevé à la pairie sous le titre de lord Sidney, furent nommés aux deux postes de secrétaires d’état ; lord Gower devint président du conseil ; le duc de Rutland, gardien du sceau privé ; l’amiral Howe, premier lord de l’amirauté ; lord Thurlow, chancelier ; le duc de Richmond, grand-maître de l’artillerie ; William Grenville, grand maître des postes ; sir George Yonge, secrétaire de la guerre ; Dundas, trésorier de la marine.