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bill de l’Inde, elle avait déclaré que, les ministres ne possédant pas sa confiance ni celle du pays, leur maintien au pouvoir était contraire aux principes constitutionnels et nuisible aux intérêts du roi comme à ceux du peuple. Cette déclaration, votée à 21 voix de majorité, ne l’avait pas été sans une très vive opposition. Un député nommé Powis, organe d’une espèce de tiers-parti qui blâmait également les moyens par lesquels le cabinet s’était formé et la coalition de Fox avec lord North, avait exprimé le vœu d’une réconciliation entre les chefs des deux grandes fractions de la chambre. Fox, tout en rendant une éclatante justice au caractère et aux talens de Pitt, avait répondu qu’il ne consentirait jamais à se rapprocher de lui tant qu’il n’aurait pas résigné des fonctions obtenues d’une manière si peu constitutionnelle.

L’opposition s’épuisait en efforts continuels pour fatiguer le chef du cabinet, pour l’irriter, le pousser à bout, et l’entraîner ainsi dans quelque fausse démarche. Pitt n’opposait le plus souvent à ces emportemens qu’une attitude réservée et silencieuse. Cependant, le général Conway lui ayant reproché de se soutenir par la corruption contre le vœu de la représentation nationale, il le somma d’expliquer une telle accusation, protestant que des diffamations dénuées de preuves et d’injurieuses invectives n’auraient jamais la puissance de jeter le trouble dans son esprit. Sur la motion d’Eden, un des auteurs de la coalition, la chambre, ne trouvant pas suffisamment rassurantes les intentions que le roi avait manifestées en réponse à son adresse, exprima l’opinion qu’il ne conviendrait pas que la couronne l’empêchât, par une dissolution ou une prorogation, de s’occuper du règlement des affaires de l’Inde. Pitt crut devoir prendre la parole à cette occasion ; sans engager la prérogative royale, il promit, pour son propre compte, de ne pas conseiller ce qu’on redoutait si vivement.

Devant cette ferme et calme résistance, l’opposition, qui, du premier bond, s’était portée aux dernières extrémités, se trouvait réduite à tourner dans le même cercle. Fox embarrassé redoublait d’efforts pour exaspérer son grand adversaire et lui faire perdre l’avantage du terrain. Il l’accusa, dans un langage très sévère, de garder, après avoir perdu la confiance du peuple, une position qu’il n’avait conquise que par l’intrigue et par l’appui des influences secrètes, en dépit du parlement et au mépris de la constitution. Pitt répondit qu’au roi seul appartenait le choix de ses ministres, et que la chambre l’avait peut-être trop oublié lorsqu’elle s’était empressée de les condamner sans les avoir entendus, sans les avoir vus à l’œuvre. Faisant allusion aux symptômes qui commençaient à indiquer une direction nouvelle