Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/308

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette administration vraiment populaire, sans être menaçante pour la monarchie, semblait répondre aux besoins d’une prudente liberté ; mais, avant d’avoir pu se consolider, elle fut emportée en un jour d’orage. A la veille du 10 août, une bande des plus audacieux démagogues vint, après un simulacre d’élection dans les assemblées sectionnaires, s’installer à l’Hôtel-de-Ville, et constituer cette trop fameuse commune de Paris, qui formula et pratiqua sans pitié le système de la terreur. A leur tour, ces étranges fonctionnaires furent traînés sur l’échafaud dressé pour Robespierre, et, ce jour-là, Paris resta sans administration. Le directoire se hâta d’instituer huit commissions spéciales qui pourvurent provisoirement aux nécessités du service. La subdivision de la ville en douze arrondissemens municipaux date de cette période. Déconcertée, épuisée par la sanglante expérience qu’elle venait de faire, la nation française ne cherchait plus qu’à acheter le repos au prix de la liberté. Par une coïncidence bien rare en politique, il fut donné au gouvernement consulaire de fonder sa popularité en ravissant aux peuples leurs plus précieuses franchises. Ainsi, la loi de pluviose an VIII, qui traça le type encore subsistant de notre administration départementale, effaça dans Paris jusqu’aux traces des anciens droits municipaux. Pour la gestion de leur patrimoine, pour la surveillance de leurs intérêts, les Parisiens reçurent, comme les enfans mineurs, des tuteurs nommés d’office par le gouvernement. Tels furent en réalité, sous l’empire et sous la restauration, le préfet de la Seine, le préfet de police, les cinq conseillers de préfecture, et les seize membres du bureau qu’on voulait bien considérer comme des représentans de la cité, bien qu’ils fussent choisis arbitrairement par le pouvoir royal. Un tel système n’était plus conciliable avec les principes qui triomphèrent en juillet. Par la loi de 1834, la grande cité recouvra le droit de gérer son patrimoine par l’entremise des agens de son choix. Depuis cette époque, un conseil municipal, qui inspire et surveille, est nommé par les électeurs politiques, auxquels on adjoint diverses catégories de citoyens notables. Or, l’expérience a montré qu’un acte de loyauté avait été au fond une bonne mesure politique. Les améliorations provoquées par le conseil indépendant, les entreprises monumentales menées à fin, la transformation magique des vieux quartiers, l’activité entretenue dans la classe ouvrière par ces immenses travaux, ont prêté à la capitale de la France un air de prospérité, un prestige de splendeur, qui ont contribué, plus qu’on ne l’imagine, à l’affermissement de la dynastie de juillet.