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Malgré les efforts de Bussy et de Paradis, Ariancoupang fut abandonné aux Anglais après les avoir arrêtés pendant huit jours.

Dupleix avait mis cette diversion à profit pour la défense de Pondichéry ; il s’y était préparé de plus loin. Aussitôt après l’occupation de Madras, il avait jugé inévitable un coup de main sur le chef-lieu de la compagnie française dans les Indes. Depuis dix-huit mois, Pondichéry était disposé pour une vigoureuse résistance ; Dupleix y avait renfermé une quantité prodigieuse de bestiaux, de grains et de vivres de toute espèce. On avait élevé des batteries masquées dans la plupart des courtines ; de longues allées d’arbres, d’immenses jardins, riante ceinture de la ville, étaient tombés sous la hache par l’ordre du gouverneur. Paradis le secondait. Présent partout, Dupleix était à la fois administrateur, munitionnaire, artilleur, ingénieur et général[1]. Du haut d’un bastion, il dirigeait lui-même tous les mouvemens de la défense, et donnait ses ordres à Paradis. L’impéritie de Boscawen, qui s’était vanté d’emporter Pondichéry en huit jours, égala sa présomption : n’agissant que sur de très mauvais renseignemens, il avait attaqué la place par le nord-ouest, et, après avoir essuyé le feu des Français avec perte, il s’était vu forcé de se retirer devant l’obstacle d’un marais impraticable qu’il avait négligé de reconnaître. Le lendemain, il ouvrit un feu très vif contre la ville ; mais, comme les Anglais tiraient fort mal et de très loin, ils ne réussirent qu’à tuer une vieille femme qui s’était trop avancée dans une rue. Alors Boscawen essaya de soulever les Indiens des environs, sous prétexte qu’une de leurs pagodes avait été détruite dans les fortifications de la ville. Quelques pauvres gens se joignirent à lui ; ce fut un faible secours : découragés, décimés par les maladies, accablés par les pluies, les Anglais se hâtèrent de se rembarquer, et le triomphe des Français aurait été complet s’ils n’avaient pas eu à regretter la perte de Paradis, de ce chef que blancs, noirs et mulâtres, Indous et Mogols, suivaient au pas de course en criant avec enthousiasme : Paradis jusqu’en enfer !

Enfin la France dominait dans les Indes ; l’astre de l’Angleterre pâlissait devant le nôtre. C’était un évènement capital que cette levée du siège de Pondichéry, attaqué pendant cinquante-six jours, dont trente-huit de tranchée ouverte, par des forces de terre et de mer supérieures à tout ce qui avait paru jusqu’alors dans ces contrées. Non-seulement 1,400 Français et 2,000 Asiatiques à leur solde avaient repoussé 3,000 Anglais ou Hollandais de troupes de débarquement,

  1. Voltaire, Fragmens sur l’Inde.