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mais même ceux de quarante, comme placés en dehors de nos ressources réelles et effectives. Un matelot de quarante ans est déjà un très vieux matelot. Les marins de cet âge, que l’épuisement de notre inscription nous obligea à employer en 1840 et 41, n’étaient propres pour la plupart qu’à un service spécial, et je ne crains pas d’affirmer que des hommes du recrutement ayant une ou deux années de mer sont encore des matelots infiniment préférables en général à ces vétérans de quarante ans, dont la vieillesse précoce s’explique assez par les misères et les fatigues du plus rude métier du monde. Cette proscription ne doit point atteindre, je le reconnais, les officiers-mariniers, au nombre de plus de 5,000, qui, même à quarante-cinq ans, peuvent encore rendre d’excellens services, leurs fonctions étant surtout des fonctions de surveillance ; cependant elle doit, si l’on veut rester dans le vrai, réduire d’environ un tiers le nombre des marins sur lesquels nous pouvons compter pour l’armement de nos vaisseaux. Les registres de l’inscription en accusent 57,000 de vingt à cinquante ans. Nous serions trop heureux si nous en possédions 40,000 valides de vingt à quarante ; car il ne faut pas oublier que, sur nos 57,000 marins inscrits, un très grand nombre, plusieurs milliers, dit-on, sont absens depuis long-temps, sans que l’on sache s’ils ne se sont point expatriés pour toujours.

Quant aux 5,000 officiers-mariniers et aux 6,000 maîtres au cabotage qu’on requiert au besoin pour occuper ce poste, la proportion dans laquelle ils peuvent être compris sur le cadre des équipages est nécessairement très restreinte, puisqu’ils sont les sergens et les caporaux de nos compagnies. Nous ne devons donc point faire entrer en ligne de compte, pour toute sa valeur, le chiffre de 11,000 hommes qu’offrent ces deux classes réunies, et nous ne pouvons accepter en réalité, comme représentant les ressources actuelles de notre inscription, que ce chiffre de 40,000 matelots, qui nous est resté de tant de réductions, et auquel on pourrait ajouter, pour compléter l’armement de la flotte, celui d’environ 1,000 officiers-mariniers. Si réduit qu’il soit, ce chiffre pourtant se grossit chaque jour. En sept ans, il s’est accru d’environ neuf mille hommes. Cela doit nous encourager à maintenir nos armemens, car ils obligent notre commerce à rattacher à la navigation des hommes qui eussent pris une autre direction, s’il y avait eu plus de matelots sur le pavé de Marseille ou de Nantes, du Havre ou de Bordeaux. C’est aussi, proclamons-le bien haut, c’est aussi un motif de plus pour ne point chercher en dehors de l’inscription maritime un développement factice et des ressources trompeuses ;