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rendit un hommage éclatant à la sagesse qui caractérisait alors sa politique, et signala comme la cause première de cette amélioration, comme pouvant en faire espérer la durée, l’expérience même de la dernière guerre, l’épreuve que ce cabinet y avait faite de l’impossibilité d’accabler l’Angleterre, même à l’aide des conjonctures les plus favorables et des plus puissantes alliances, enfin la ruine financière qu’il y avait encourue et les terribles embarras où elle le réduisait. Ces argumens si puissans et si bien présentés obtinrent un succès complet. Toutes les mesures proposées pour l’exécution du traité furent votées à une forte majorité, et une adresse, conçue dans les termes les plus explicites, remercia le roi de l’avoir conclu. Elle fut aussi adoptée par la chambre des lords après des débats assez vifs.

Cette délibération, rapprochée des évènemens qui la suivirent à peu d’années de distance, n’offre pas un des exemples les moins remarquables de la mobilité des opinions humaines, ou plutôt de l’empire, légitime à beaucoup d’égards, que la variation des circonstances exerce sur le mouvement de ces opinions. Pitt, le défenseur éloquent de la paix et presque de l’alliance française, devait être un jour le champion le plus énergique d’une guerre à mort contre la France transformée par une révolution. Fox, après avoir combattu avec tant de virulence la pensée de se rapprocher du despotique cabinet de Versailles, était destiné à user ses forces pendant dix années, à prodiguer ses talens, à compromettre et même à perdre momentanément sa popularité pour essayer de mettre fin à la lutte engagée contre la France républicaine. Enfin, c’était au jeune Grey, enrôlé au début de sa carrière, avec toute l’ardeur de son age, sous la bannière anti-française de Fox, qu’il était réservé de donner, dans sa vieillesse, le spectacle inattendu d’une alliance intime entre deux peuples si long-temps ennemis. Burke seul ne devait pas varier dans ses sentimens par rapport à la France ; mais cette persévérance, il devait la payer au prix d’une renonciation absolue à tous les autres principes de sa politique : tant il est vrai qu’au milieu des grands mouvemens qui agitent le monde, l’immobilité absolue des opinions est une chimère que l’esprit humain s’efforcerait vainement de réaliser !

Peu de jours après la fin de ces grandes discussions, Pitt présenta à la chambre des communes un bill qui avait pour objet de simplifier et de rendre à la fois plus lucratifs pour le trésor, moins onéreux pour les contribuables, les impôts perçus par la douane, par l’excise et par le timbre. Il s’agissait de remplacer par un droit unique les droits multipliés exigés jusqu’alors sous des dénominations et des formes