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Le parti du ministère, étonné du coup qui semblait devoir le lui arracher, se préparait pourtant à faire bonne résistance.

Au jour marqué, le 20 novembre, le parlement se réunit. Pitt exposa à la chambre des communes que l’histoire d’Angleterre n’offrait aucun précédent exactement applicable à la situation, qu’en cet état de choses la chambre n’avait pas la faculté et ne pouvait avoir la volonté de procéder à la discussion des affaires publiques, et que, dans les cas plus ou moins analogues qui s’étaient antérieurement présentés, l’ajournement avait été jugé nécessaire ; il proposa, en conséquence, au parlement de se séparer pour quinze jours, reconnaissant que, si la maladie du roi se prolongeait au-delà de ce terme, il deviendrait nécessaire d’examiner et de résoudre une question de la plus haute importance, et de trouver un moyen de suppléer à l’action royale, nécessaire pour légaliser l’ouverture du parlement. L’ajournement fut voté à l’unanimité. Une proposition semblable, faite par le chancelier à la chambre des lords, y fut aussi accueillie sans opposition.

La veille du jour on cet ajournement devait expirer, les ministres convoquèrent le conseil privé, auquel assistèrent les membres de l’opposition qui en faisaient partie. Les médecins du roi y furent interrogés. On les invita à déclarer, d’abord si le roi était en état d’ouvrir le parlement et de s’occuper d’affaires publiques, ensuite si sa guérison était probable et si on pouvait la supposer prochaine. Sur le premier point, celui de la capacité actuelle du roi, les médecins firent sans hésitation une réponse négative. Quant à la guérison, tout en affirmant qu’elle était vraisemblable, ils avouèrent l’impossibilité d’en prévoir le moment. Le rapport de cette déclaration ayant été fait le lendemain au parlement, la chambre des communes, sur la motion de Pitt, désigna, pour interroger les médecins, un comité de vingt-un membres, dont il fut lui-même nommé président, et qui ne tarda pas à présenter, comme résultat de cet interrogatoire, un second rapport entièrement conforme au premier.

Pitt proposa alors la formation d’un autre comité chargé de rechercher, dans les procès-verbaux de la chambre et dans les divers documens qu’il pourrait se procurer, quelle marche avait été suivie à d’autres époques, lorsque l’exercice de l’autorité royale s’était trouvé interrompu par l’enfance, la maladie, l’infirmité du souverain ou pour tout autre motif. Cette proposition dilatoire fut le signal de la lutte. Fox représenta qu’en entrant dans la voie indiquée par le ministre, on perdrait inutilement un temps précieux, que le pouvoir exécutif n’avait jamais été suspendu en présence d’un héritier du trône capable,