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céder aux instances d’un grand nombre de ses amis, et ne pas repousser les auxiliaires qui venaient s’offrir à lui. Les associations loyalistes ne tardèrent pas à se répandre par tout le royaume. Au moyen de fonds recueillis par des souscriptions volontaires, elles firent imprimer et distribuer gratuitement de nombreux écrits destinés à éclairer le peuple sur les menées des perturbateurs et à ranimer les sentimens religieux et royalistes. L’esprit de réaction s’y révélait parfois dans une forme qui rappelait les doctrines proscrites un siècle auparavant avec Jacques II. Ces démonstrations exagérées eurent cependant des résultats salutaires : elles offrirent un point de ralliement aux hommes bien intentionnés, mais timides ; elles leur prouvèrent que tout le monde ne désespérait pas, elles réveillèrent leur confiance, et par conséquent leur rendirent quelque énergie.

Comme on peut bien le penser, le gouvernement ne bornait pas là ses moyens de défense. Tout en continuant à négocier, il augmentait ses forces de terre et de mer, et appelait aux armes une partie de la milice. La proclamation royale rendue à cet effet fondait la nécessité de la mesure sur les manœuvres auxquelles certains malveillans, d’accord avec des personnes de l’étranger, se livraient pour détruire en Angleterre toute espèce d’ordre et de gouvernement en renversant les lois et la constitution établie, sur l’esprit de désordre que ces manœuvres étaient parvenues à faire naître, et sur les troubles qui en étaient résultés. D’après la loi anglaise, l’appel de la milice rendait nécessaire la convocation immédiate du parlement. Il fut, en effet, réuni quelques semaines avant l’époque fixée par la dernière prorogation, le 13 décembre. Le roi, dans le discours d’ouverture, parla des périls qui menaçaient l’ordre public et la constitution. Protestant encore de son ferme désir de se maintenir en état de neutralité au milieu de l’Europe en armes, il ne dissimula pas l’inquiétude qu’il éprouvait en voyant la France provoquer les autres peuples à l’insurrection contre leurs gouvernemens, s’agrandir par la conquête, malgré les assurances contraires si pompeusement proclamées, méconnaître les droits des neutres, et violer même, à l’égard de la Hollande, les principes du droit public aussi bien que les stipulations expresses des traités. Il expliqua par cette inquiétude si bien justifiée les mesures défensives qui venaient d’être prises. Les adresses des deux chambres, conçues dans un esprit absolument conforme à celui du discours du trône, furent votées par d’immenses majorités, mais non sans nue vive contradiction. Dans la chambre des communes, Fox s’efforça de démontrer que les alarmes manifestées par le gouvernement sur l’état intérieur du pays étaient