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de la loi sans rien perdre de son efficacité. Nous n’avons pas besoin non plus de déclarer que nous réprouvons tous les excès de part et d’autre ; nous croyons que, sans l’esprit religieux, on est faible contre le jésuitisme. On est d’autant plus fort contre lui que l’on est sûr de n’attaquer que lui seul, et de repousser en lui le double fléau de la vraie religion et de l’état.

Descendons des hauteurs de la question religieuse, et disons maintenant quelques mots sur les divers objets qui viennent d’occuper les discussions des chambres. Au Luxembourg, le fait important a été la nomination des nouveaux pairs. La liste des nominations projetées n’est pas encore épuisée : les promotions nouvelles auront lieu pendant et après la session. La chambre des pairs a discuté plusieurs projets de loi d’intérêt matériel. Les questions intéressantes sont en ce moment à la chambre des députés. La conversion de la rente a été votée après une courte discussion. Le 5 pour 100 est réduit à 4 et demi, et l’exercice du droit de remboursement sera suspendu pendant dix ans. Le vote de la chambre n’était pas douteux. Quant à l’attitude du ministère, nous n’en parlerons pas. M. Laplagne, en homme d’esprit, s’est exécuté de bonne grace, et n’a pas essayé, comme on dit, de masquer la situation. Il est dit que cette question des rentes portera malheur à bien des cabinets. Notez qu’elle n’est pas finie, que la loi sera certainement rejetée par la chambre des pairs, et qu’ainsi tout recommencera l’au prochain. Du reste, cette conclusion était prévue, et la chambre des députés en prend très aisément son parti.

La discussion du projet de loi relatif à l’emprunt grec nous a valu un excellent discours de M. Duvergier de Hauranne sur la politique suivie à Athènes par les deux cabinets de France et d’Angleterre. Sur tous les bancs de la chambre, on a reconnu que l’honorable orateur avait fait preuve d’une grande modération vis-à-vis du gouvernement britannique, dont la conduite eût pu être qualifiée par lui en termes plus sévères. On ne pourra pas accuser M. Duvergier de Hauranne de vouloir troubler sérieusement l’entente cordiale. Un orateur de la majorité ne mettrait pas plus de ménagemens dans ses expressions. Du reste, par cette modération même, qui augmente la gravité de ses assertions, le discours de M. Duvergier de Hauranne est destiné à produire en Grèce une salutaire influence.

Deux honorables députés ont présenté une proposition sur le duel. Leur intention était excellente. Il est certain que la jurisprudence de la cour de cassation offre de graves inconvéniens. Assimiler l’homicide, dans le duel, au meurtre ordinaire, c’est lui assurer l’impunité, car le jury, en pareil cas, n’ose jamais condamner, et, au contraire, lorsqu’il s’agit de blessures, comme c’est le tribunal correctionnel qui juge, il y a presque toujours condamnation : de sorte que, s’il y a mort d’homme, le duel échappe à la loi, et si le fait est peu grave, il est puni. Ce résultat blesse la raison et l’équité. D’un autre côté, comme l’a dit M. Dupin, prononcer des peines spéciales pour le duel, c’est l’élever dans l’opinion au lieu de le flétrir. Les rédacteurs du code pénal n’avaient pas voulu lui faire l’honneur de le nommer. La chambre a pris le parti de s’en tenir provisoirement à la jurisprudence de la cour de cassation.