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une question proposée par Fermat, et il a été prouvé que la méthode de Descartes répondait si peu au but, qu’en supposant le calcul effectué, cet illustre mathématicien aurait dû employer plus de vingt-quatre heures sans interruption pour lire seulement le résultat.

Fermat, qui avait une si grande déférence pour Descartes, s’exprimait avec moins de réserve à l’égard de certains géomètres, surtout des Anglais, qu’il aimait à harceler par des problèmes. Wallis qui n’attachait pas une grande importance aux propositions négatives dont nous avons déjà parlé, les ayant repoussées avec une sorte de dédain, Fermat écrivit à Digby : « Je suis toujours surpris de quoy M. Wallis méprise constamment tout ce qu’il ne sçait pas. »

Cette modestie, ce mépris d’une popularité à laquelle il ne sacrifia jamais, ne furent pas les seules causes qui éloignèrent Fermat de toute publication. À ces sentimens si honorables se joignait chez lui l’attachement le plus profond à ses devoirs. Nous l’avons dit, Fermat était conseiller au parlement de Toulouse, et il savait si bien ce qu’il devait à cette charge, qu’il oubliait sa gloire scientifique quand il s’agissait de l’administration de la justice. Il ne s’occupait de certaines questions de mathématiques que presque en passant, quasi aliud agens et ad altiora festinans, nous dit son fils[1]. Ce géomètre, qui ne se donnait pas le temps de copier les lettres dans lesquelles il consignait le résultat de ses recherches, et qui faisait des découvertes en courant, cet homme qui ne cesse de répéter dans ses lettres que le temps lui manque, donnait toute son application aux affaires dont il était chargé, et nous avons vu récemment avec une admiration respectueuse, dans les archives du parlement de Toulouse, qui sont réunies actuellement à celles de la cour royale de cette ville, une foule de rapports et de travaux judiciaires de Fermat. Il faut espérer que des recherches persévérantes faites dans ces archives, qu’on n’a pas encore complètement mises en ordre, et où cependant nous avons recueilli quelques nouveaux renseignemens relatifs à la biographie de ce grand géomètre[2],

  1. A la même époque, Pascal ne considérait la géométrie que comme un exercice de l’esprit très haut et fort inutile ; mais, moins modeste en réalité que Fermat, il se passionnait pour ses propres travaux. Voyez à ce sujet l’Histoire de la Roulette. Toutefois Pascal a dit quelque part, en parlant d’un de ses amis : « Il a un très bon esprit, mais il n’est pas géomètre. C’est, comme vous savez, un grand défaut. »
  2. On ignorait jusqu’à présent où Fermat était mort ; dans un ancien registre du parlement de Toulouse, nous avons, trouvé cette note : « Pierre de Fermat, aux requêtes 14 mai 1631, en la cour 10 janvier 1635. Décédé à Castres le 12 janvier 1665. »