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plus loin à quelques lignes. Or, nous avons déjà vu que ce volume commence par un abrégé de trente-six pages in-folio des travaux mathématiques adressés à Billy par Fermat. Cet important abrégé doit nécessairement être inséré dans la nouvelle édition, il avait complètement échappé au savant rapporteur. Nous ne pensons pas qu’il faille rien retrancher des œuvres de Fermat. On sait que, rareté à part, les anciennes éditions ne sont complètement remplacées par les réimpressions qu’à la condition que celles-ci reproduisent au moins tout ce que les autres contiennent. Si l’on retranchait la moindre partie des œuvres de Fermat, on verrait bientôt l’ancienne édition recherchée avec avidité et placée invariablement dans les bibliothèques à côté de la nouvelle. D’ailleurs, qui oserait, avec le rapporteur, déclarer inutiles certaines questions que Fermat jugea dignes d’occuper son esprit ? Quant au Diophante, qu’on semble rejeter si lestement aujourd’hui par le double motif que cet ouvrage n’est pas assez rare, et qu’il ne faut pas trop encourager l’étude de la théorie des nombres, il suffit de faire remarquer que Lagrange, dont l’autorité ne sera contestée par personne, avait voulu réimprimer cet ouvrage qu’il déclarait très rare il y a long-temps, et dont à plusieurs reprises il a manifesté le vœu qu’on fît une nouvelle édition. Ce livre est si peu commun, que dans ce moment-ci le gouvernement en fait rechercher vainement un exemplaire chez tous les libraires de Paris. S’il est d’ailleurs dangereux d’exciter les jeunes géomètres à diriger leurs efforts vers la théorie des nombres, on ne doit pas seulement omettre l’ouvrage de Diophante, il faut supprimer aussi les notes de Fermat et interdire désormais à l’Institut de proposer pour sujet du grand prix de mathématiques des questions tirées de cette théorie[1].

Disons-le nettement, si, pour la nouvelle édition des œuvres de Fermat, on avait dû suivre les idées émises par le rapporteur de la chambre des députés[2], nous pensons que le gouvernement eût été

  1. Le savant rapporteur donne, dans son travail, des preuves répétées de son excessive aversion pour la théorie des nombres. Parlant des Opera varia, imprimées en 1679, il dit qu’elles parurent quinze années après la mort de Fermat (qui cessa de vivre en 1665), et dans ce rapport, qui est de 1843, il ajoute que ces mêmes Opera varia ont été publiées il y a cent soixante-cinq ans !
  2. Nous n’avons examiné ici que ce qui est relatif à l’exécution de la loi. S’il avait fallu se livrer à une discussion détaillée de tout le rapport, les remarques critiques eussent pu devenir trop nombreuses. Qui voudrait croire, par exemple, avec l’honorable député, que Fermat imagina peut-être : « que personne après sa mort ne s’occuperait plus de la méthode des maxima et des minima, des propriétés des nombres et du calcul des probabilités ? »