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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/732

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qui l’on est. « Depuis si long-temps que nous habitons dans le voisinage l’un de l’autre, jamais encore nous ne nous sommes raconté notre origine ; commencez, dit en l’agaçant d’un rayon le diamant à la perle frémissante, commencez, et soyez brève, afin qu’après m’avoir conté comment vous avez fait pour sortir des profondeurs de l’Océan, vous puissiez, avant que ce flambeau ne meure, ouïr de moi quels hasards m’ont conduit du sein des abîmes de la terre à la place adorée où je vis. » Aussitôt perle et diamant exposent à l’envi leurs titres de noblesse, titres glorieux, augustes, et revendiquant de part et d’autre l’origine céleste, car si la perle naquit d’une larme d’archange, le diamant est à son tour la flamme tombée de l’œil d’un messager divin, qui, jadis égaré sous les abîmes de la terre et cherchant sa route vers le ciel, ensemença les ténèbres de germes lumineux enracinés depuis au cœur même du granit.

Nous ne suivrons pas nos deux héros à travers les romanesques aventures de leur odyssée mystique ; nous ne dirons pas comment la perle, après avoir résisté aux enchantemens des sirènes, laissée un jour à sec sur le rivage, tomba des mains d’un enfant au sac d’une vieille mendiante, et finit par devenir la proie d’un juif ; comment le diamant, qu’une étincelle d’amour, dépôt sacré de l’ange, attirait parmi les hommes, en fut détourné d’abord par le spectacle de leur avarice ; puis comment, las de dévorer sa propre flamme, il surmonte un dégoût séculaire et se livre au premier venu. Nous aimons mieux insister sur l’idée philosophique du poème, sur cette idée d’amour qui vivifie, éclaire et met en jeu toute chose. Autour de la maîtresse du poète, de la Donna, se groupent ces existences magnétiques, et la belle amoureuse continue à dormir, à rêver, sans se douter que d’elle émanent les fluides créateurs où ce petit monde puise l’être. — Cependant la perle et le diamant s’échauffent au récit de leurs aventures, peu à peu l’ivresse les gagne, et leurs voix finissent par s’unir en un chant de gloire auquel l’Amour répond par les strophes suivantes, qu’on dirait empruntées au Livre d’Or de Pythagore :


« Oui, c’est moi dont la main vous enleva aux profondeurs de l’Océan, aux abîmes de la terre ; moi qui allaitai votre enfance.

« C’était moi, cet ange incliné au bord des firmamens, et qui d’en haut laissa tomber cette larme dont tu naquis, ô perle ! en ton écaille.

« C’était moi, cet ange qui, pensant s’égarer, inonda la caverne de lueurs dont une étincelle, ô diamant ! vint s’incruster en toi.

« C’est moi qui te sauvai, ô perle ! des enchantemens de la sirène.

« O diamant ! c’est moi qui éveillai dans ton cœur de granit cette aspiration