Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/810

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Grèce. Jusqu’ici, la Porte était dans son droit ; mais, se sentant impuissante à maintenir long-temps par ses propres forces l’oppression de ses provinces grecques, elle s’est adressée aux états protecteurs par une note où elle prétend démasquer toutes les intrigues du cabinet d’Athènes. Cette nouvelle note de la Turquie, relative à son intégrité, obtiendra-t-elle en Occident plus de faveur que la dépêche de M, de Metternich ? Nous espérons que non. En effet, après avoir jeté feu et flamme en faveur de la Porte outragée, après avoir menacé plus d’une fois la Grèce, si elle ne changeait pas de politique, d’exiger d’elle le paiement entier de sa dette avec intérêt et capital, rompant ainsi la convention de 1844, par laquelle la France et l’Angleterre accordent pour la liquidation de l’emprunt grec un sursis de cinq ans ; après tant de démonstrations hostiles, l’implacable Angleterre elle-même a fini par s’adoucir, c’est-à-dire qu’elle trouve enfin son intérêt à ne plus répudier comme autrefois les plans des patriotes helléniques.

Ce qui fait surtout incliner l’Angleterre en faveur des Grecs, c’est de voir avec quelle obstination la Russie et l’Autriche défendent le système de l’intégrité de l’empire ottoman. Le tsar en effet ne dissimule, pas son aversion pour la Grèce ; en 1843, son ambassadeur, M. Katakazi, avait dû la manifester à plusieurs reprises. Ainsi, le jour de la fête du roi, il avait brusquement quitté Athènes, lui qui, comme doyen d’âge, était chargé de porter les félicitations au palais à la tête du corps diplomatique. Ce fut surtout après la révolution de septembre que Nicolas, espérant voir l’anarchie saisir l’Hellade, ne cacha plus ses sentimens secrets, et offrit sans détour au sultan contre les turbulences helléniques tous les secours dont il pourrait avoir besoin. Enfin, remarquant un peu tard qu’au lieu de l’anarchie la révolution de septembre amenait l’ordre et initiait l’Hellade à une vie toute nouvelle, Nicolas se résigna à laisser le comte Nesselrode écrire au cabinet d’Athènes une lettre[1] où est annoncée la pleine adhésion de la Russie aux conventions constitutionnelles conclues entre le peuple grec et son roi ; mais en même temps la lettre stipulait, comme condition absolue de la bienveillance du tsar, que le peuple grec renoncerait à tout projet d’agrandissement, qu’il cesserait toute espèce de propagande dans les provinces turques, et ne songerait plus à franchir les frontières fixées par la triple alliance. Cette dépêche ajoute : « Les délimitations solennellement consacrées par le traité qui garantit l’inviolabilité de l’Hellade ont été de nouveau reconnues par un protocole récent. Sur ce point essentiel de l’intégrité de l’empire ottoman, la tour russe est d’accord avec les cours de Londres et des Tuileries. En vertu de cette résolution commune des trois cours protectrices, la Grèce doit comprendre quelle impression a produite sur sa majesté impériale la nouvelle que les sociétés secrètes helléniques redoublent d’activité pour insurger la Thessalie, la Macédoine et l’Épire, et qu’elles préparent leurs soldats, leurs

  1. Cette lettre a été publiée en allemand dans le Journal de Francfort de juillet 1844.