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France. Il importerait donc de savoir si, en même temps qu’il livre la Syrie aux Anglais, notre cabinet songe en outre à laisser l’Autriche et la Russie paralyser le mouvement grec. La France consentira-t-elle à s’associer aux mesures répressives des deux puissances de l’Europe orientale contre l’Hellade, et un peuple qui nous aime et nous admire sera-t-il bientôt condamné, comme tant d’autres, à s’éloigner de nous avec désespoir ?

On ne saurait expliquer comment il ne s’est pas trouvé dans nos chambres une seule voix pour interpeller à ce sujet le ministère. Heureusement, l’Angleterre paraît s’être préoccupée plus que nous de la note de M. de Metternich, derrière laquelle se cache le cabinet russe, et la résistance effective de sir Robert Peel aux insinuations austro-moscovites paraît avoir commencé entre les trois puissances protectrices de la Grèce une scission qui pourrait bien finir par réduire à néant l’ancienne théorie du maintien de l’empire ottoman dans son intégrité absolue. Se sentant appuyés au dehors, les journaux d’Athènes ont stigmatisé avec énergie les complaisances de leur cabinet pour l’Autriche ; ils sont allés jusqu’à y voir un retour aux prétentions absolutistes de la dynastie bavaroise. Alors, posant nettement la question entre l’intérêt de leur patrie, qui a besoin d’agrandissement, et l’intérêt dynastique, qui ne voudrait choquer aucune puissance, ils n’ont pas craint de rechercher sous quelle condition la maison de Bavière a droit au trône hellénique. Cette condition n’est autre pour la dynastie que celle de se subordonner à l’intérêt de la Grèce : c’est pourquoi la charte grecque stipule, entre autres articles, que tout héritier du trône doit professer les rites de l’église orthodoxe d’Orient, Or, le successeur diplomatiquement reconnu, pour le cas où le roi Othon mourrait sans avoir d’enfans, est le prince Luitpold, qui n’a pas encore adopté la religion orthodoxe : la dynastie est donc sans racines dans le pays. Répondant à ces objections au nom du cabinet, le Moniteur grec reconnaît qu’en effet il n’existe à cette heure aucun héritier présomptif réunissant toutes les qualités voulues par la charte de 1843 ; mais il prétend que cette même charte a prévu tous les cas imaginables, et même celui d’une vacance momentanée du trône, qu’en conséquence il n’y a rien à craindre pour l’avenir du pouvoir grec. Quand on voit l’organe même de la cour obligé de descendre jusqu’à ces concessions, on demeure convaincu que la dynastie, comme l’état ne peuvent se consolider qu’en obéissant à toutes les exigences nationales, dont la plus impérieuse est l’agrandissement du pays, par l’adjonction des provinces d’Épire, de Thessalie et de Macédoine. Aussi la Porte s’est-elle lassée des protestations amicales du cabinet grec, qui ne modifiaient en rien sa conduite réelle ; pour faire éclater sa colère, elle a saisi l’occasion que venaient de lui offrir les pachas roméliotes en s’emparant de plusieurs émissaires de la Grèce qui parcouraient les villages et enrôlaient des volontaires Pour la prochaine campagne des hellènes contre le croissant. Sous prétexte que les doublures des habits de ces conjurés se sont trouvées remplies de proclamations et d’articles de journaux imprimés à Athènes, la Porte a interdit absolument l’entrée dans ses états de toute feuille publiée en