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un fait que la diplomatie n’a pas encore rendu très facile : et quant à la jeune reine d’Angleterre, le voyage qu’elle doit faire en Irlande l’empêchera probablement de venir à Paris.

Plusieurs questions étrangères, que l’on croyait terminées, semblent offrir des difficultés nouvelles. La mission de M. le duc de Broglie n’a pas encore eu tout le succès qu’on en attendait. On parle de certains démêlés qu’auraient fait naître des explications sur la souveraineté française en Algérie, et sur les mesures à prendre contre les établissemens négrier de l’Afrique. La note du gouvernement mexicain sur la question du Texas, tient la diplomatie en suspens. Quant aux affaires de Suisse., sur la querelle entre les partis n’est pas vidée, au moins l’agitation s’est calmée, et tout présente l’aspect d’une trêve que la modération des vainqueurs pourrait changer en une paix durable. Lucerne juge ses prisonniers de guerre. Leur chef, le docteur Steiger, homme d’intelligence et de cœur, est condamné à être fusillé. Si la sentence n’est pas commuée en un bannissement, comme on l’espère, cette sévérité impolitique ranimera les haines, et pourra enfanter de nouvelles crises.


- Lord Brougham, dans les loisirs de sa villa de Cannes, loisirs studieux qu’il consacre au culte des lettres françaises, a écrit l’automne dernier un long travail de biographie et d’études philosophiques sur Voltaire et Rousseau. Cet ouvrage, où la plume du célèbre publiciste s’essaie pour la première fois dans notre langue, doit paraître cette semaine à Paris[1]. A une pareille publication, la sympathie d’un public français ne saurait manquer ; c’est le privilège de certains grands esprits (Voltaire et Rousseau sont du nombre) d’appeler incessamment sur eux l’attention des commentateurs et des critiques. Qui se vantera jamais d’avoir dit, le dernier mot sur Voltaire ? Aussi de pareils sujets ne sauraient vieillir. Un point de vue qu’on éclaire, un renseignement, un fait apporté à la masse, suffisent pour rajeunir le thème et piquer au vif l’intérêt. À ce compte, l’ouvrage de lord Brougham doit réussir, surtout en France, ne fût-ce que par les curieuses révélations qu’il contient sur le séjour de Voltaire en Angleterre, ses rapports avec certains personnages du temps, et enfin sur le degré de foi que l’on doit ajouter aux diverses opinions touchant ses connaissances de la langue de Shakspeare et de Newton. Le point était tout spécial, et lord Brougham l’a traité de manière à ce qu’on ’ait plus besoin d’y revenir. Nous en dirons autant du chapitre concernant Frédéric, morceau spirituel, animé, et dont mainte lettre inédite de Voltaire à la duchesse de Saxe-Gotha, grand’mère du prince Albert, vient encore, en manière de citation, rehausser l’intérêt. Bien que l’auteur, en cette grave discussion, cherche à se passionner le moins possible pour l’un ou l’autre de ses héros, cependant on n’y saurait méconnaître son penchant pour Voltaire, surtout dans cette éloquente digression où lord Brougham apprécie le génie historique de l’auteur du Siècle de Louis XIV.

  1. Chez Amyot, rue de la Paix