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atteinte. Pendant cet intervalle, des discussions importantes eurent lieu dans le parlement sur la situation nouvelle que venait de créer la déclaration de guerre. Fox et ses amis ne craignirent pas de compromettre les restes de leur popularité en proposant à la chambre des communes des votes qui eussent rejeté sur le ministère la responsabilité d’une guerre amenée, suivant eux, par ses injustes provocations. Ils demandèrent successivement que, dans une adresse au roi, on exprimât le vœu du rétablissement de la paix, qu’on proclamât contraire à l’honneur et aux intérêts du pays toute guerre entreprise, soit pour changer le régime intérieur de la France, soit pour y étouffer une opinion ou un parti, et qu’on s’abstînt de contracter avec d’autres états des engagemens qui eussent mis obstacle à une prompte pacification. Nous n’analyserons pas les débats auxquels donnèrent lieu ces motions continuellement reproduites sous diverses formes et sous divers prétextes pendant toute la durée de la session. Pitt, qui les combattit quelquefois avec une fermeté grave et mesurée, put, en d’autres occasions, en laisser le soin au zèle passionné de Burke et de Windham. Plus d’une fois l’opposition se sentit si faible dans la chambre des communes, qu’elle n’essaya pas même de constater le nombre des suffrages, et jamais elle n’y obtint plus de 40 ou 50 voix. Dans la chambre des lords, elle était bien plus faible encore : le marquis de Lansdowne y comptait à peine une douzaine d’adhérens, parmi lesquels le comte de Lauderdale et surtout le comte de Stanhope, se signalaient par une audace révolutionnaire moins dangereuse pour le ministère que compromettante pour leurs amis.

Fort de l’assentiment presque unanime des pouvoirs publics, le gouvernement se préparait à la guerre avec une grande énergie. Il augmentait l’armée de terre de 27,000 hommes, non compris les garnisons des colonies ; il portait à 47,000 le nombre des marins embarqués à bord des bâtimens de l’état ; il prenait à sa solde des troupes hanovriennes et hessoises, et accordait à la Sardaigne un subside de 200,000 livres sterling pour la mettre en état de tenir sur pied une armée de 50,000 hommes ; enfin il concluait aussi avec la Russie, l’Autriche, la Toscane, Naples, l’Espagne et le Portugal, des traités dont l’intention avouée était d’obliger la France à restituer ses conquêtes, mais dont la pensée véritable allait beaucoup au-delà. Le Danemark et la Suède s’étant refusés à entrer dans cette espèce de croisade, le gouvernement britannique résolut d’empêcher que leur neutralité ne devînt pour la France un appui réel en lui permettant de faire arriver dans ses ports sous leur pavillon les grains et les munitions