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était impossible, ne supposait pas nécessairement la restauration du trône ; il allait même jusqu’à dire que la perversité des hommes alors investis en France de l’autorité suprême ne serait pas un obstacle à ce qu’on traitât avec eux, si jamais ils pouvaient donner des garanties réelles. Tout en faisant cette concession apparente, il repoussait l’idée d’ouvrir immédiatement les négociations ; il démontrait qu’en laisser seulement entrevoir la pensée, ce serait se placer dans la situation humiliante d’un vaincu qui demande la paix à un implacable ennemi, ce serait s’affaiblir soi-même en décourageant l’esprit public et en inquiétant les alliés. Il exprimait l’espoir que les ressources factices créées par le comité de salut public au moyen de la terreur et du brigandage organisé s’épuiseraient bientôt par la force même des choses. Enfin, sans nier les torts de quelques-unes des puissances alliées, il prouvait facilement que ces torts n’étaient pas un motif suffisant pour que l’Angleterre se privât d’un concours si utile, si nécessaire dans l’épreuve terrible qu’elle avait à soutenir. Dundas, Burke, Windham, développaient à peu près les mêmes argumens avec beaucoup moins de circonspection et de réserve. La politique du cabinet trouva encore un éloquent interprète dans le jeune Canning, qui venait d’entrer au parlement, et que la sagacité de Pitt avait su, par d’habiles prévenances, enlever à l’opposition, qui le regardait déjà comme un des siens.

Malgré les efforts redoublés de l’opposition, toutes ses motions pacifiques, toutes ses demandes d’enquêtes sur les actes du pouvoir, furent rejetées dans l’une et l’autre chambre à la majorité accoutumée. Toutes les demandes faites par le ministère lui furent accordées. Il obtint, outre l’établissement de plusieurs taxes nouvelles, l’autorisation d’emprunter 11 millions sterling. Il fit porter à 85,000 hommes la force de l’armée navale et à 60,000 celle des troupes de terre, non compris les troupes étrangères et les émigrés à la solde anglaise. Pour mieux assurer la tranquillité intérieure du pays, on ajouta à la milice permanente des corps de volontaires levés et entretenus à l’aide de souscriptions volontaires aussi. L’opposition prétendit que ce mode de souscription violait le principe constitutionnel qui réserve au parlement le droit exclusif d’établir des impôts. Pitt soutint que la mesure se justifiait par de nombreux précédens, et qu’utile par ses résultats matériels, elle le serait plus encore par son effet moral.

La situation de Fox et de ses partisans était pénible. En s’opiniâtrant à blâmer, à contrarier la guerre et à justifier plus ou moins la révolution française, ils augmentaient leur impopularité, et trop souvent