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convoitait déjà l’ambition anglaise ; elles surveillaient de près les ports de France et d’Espagne et bloquaient pour ainsi dire en Égypte Bonaparte et son armée. Après avoir achevé la conquête de ce pays, Bonaparte avait pénétré en Syrie et assiégé Saint-Jean-d’Acre ; le commodore Sydney Smith, secondant et dirigeant la résistance des Turcs, le força à lever le siège et fit ainsi échouer les projets qu’il avait formés sur l’Orient. Dans l’Inde, le sultan de Mysore, Tippo-Saïb, cédant aux excitations de Bonaparte, qui lui avait promis sa coopération pour expulser les Anglais, venait de recommencer la guerre. Les sages dispositions du gouverneur-général lord Mornington, depuis marquis de Wellesley, eurent bientôt triomphé de ce nouvel ennemi. Tippo-Saïb périt en défendant sa capitale ; l’empire du Mysore cessa d’exister, son territoire fut partagé entre la compagnie et les princes indigènes ses alliés, et dès-lors la domination de la Grande-Bretagne sur l’immense presque île de l’Indostan ne rencontra plus d’obstacles sérieux. A l’autre extrémité du monde, la conquête de Surinam, capitale de la Guyane hollandaise, augmenta la longue liste des colonies étrangères déjà tombées au pouvoir des Anglais.

La session du parlement avait été close vers la fin du mois de juillet au milieu de ces éclatans triomphes. Le gouvernement, pressé de se procurer les moyens d’en poursuivre le cours, réunit de nouveau les chambres à la fin de septembre, pour obtenir l’autorisation de faire passer dans les rangs de l’armée de ligne les trois cinquièmes de la milice ; une loi antérieure n’accordait cette autorisation que dans la proportion du quart. L’opposition s’éleva contre une innovation qu’elle trouvait peu conforme à l’esprit constitutionnel ; elle n’en fut pas moins adoptée. On vota ensuite les subsides des premiers mois de l’année suivante, et le parlement s’ajourna jusqu’après les fêtes de Noël.

Cet intervalle fut marqué par un évènement dont les immenses conséquences devaient surpasser encore les préoccupations si graves qu’il fit naître dès le premier moment. Bonaparte, revenu tout à coup d’Égypte, où il semblait indéfiniment relégué, renversa, par le coup d’état du 18 brumaire, le gouvernement déjà expirant du directoire, se fit déférer, sous le titre de premier consul, un pouvoir presque monarchique, et commença avec autant de vigueur que d’habileté cette restauration de l’ordre social qui devait bientôt placer sous sa main tous les élémens de la puissance morale et de la puissance matérielle de la France. Soit que, pour accomplir cette grande entreprise, il crût avoir besoin de la paix, soit qu’en paraissant la désirer, il voulût acquérir un titre de plus à la faveur publique, un de ses premiers