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soins fut de chercher à négocier avec l’Angleterre. Il écrivit directement à George III, en même temps que M. de Talleyrand, son ministre des affaires étrangères, écrivait à lord Grenville pour proposer d’ouvrir sans retard des conférences. Le cabinet de Londres, enivré des succès de la campagne qui venait de se terminer, ne crut pas devoir y consentir. Lord Grenville, dont cette fois Pitt ne jugea pas à propos de contrarier l’opiniâtreté hautaine, répondit à M. de Talleyrand que l’Angleterre, d’accord avec ses alliés, saisirait tous les moyens d’arriver à une pacification générale dès que la situation de la France donnerait des garanties suffisantes de la stabilité de son gouvernement, de sa modération et de ses intentions pacifiques, garanties qui ne paraissaient pas encore exister en ce moment ; il ne dissimula pas que le rétablissement de l’ancienne dynastie serait, de toutes les mesures qu’on pourrait prendre, la plus propre à inspirer cette confiance au gouvernement britannique ; il protesta pourtant que le cabinet de Londres n’entendait pas en faire une condition de la paix, mais il déclara qu’en attendant des conjonctures plus favorables, le devoir de l’Angleterre et des puissances auxquelles elle s’était unie était de poursuivre, par une guerre juste et conservatrice, le but qui leur avait fait prendre les armes. Ce refus péremptoire, que rendaient plus blessant encore d’amères récriminations contre la conduite des précédens gouvernemens de la France, ne laissait aucun doute sur les dispositions hostiles du ministère anglais. Néanmoins M. de Talleyrand insista ; mais comme, dans sa réplique, il s’attacha naturellement à justifier la France des accusations énoncées dans la note de lord Grenville, et surtout à prouver que ce n’était pas elle qui avait pris, en 1793, l’initiative de la rupture, lord Grenville, pour couper court à cette correspondance, affecta de voir une provocation et une injure dans une polémique qu’il avait lui-même commencée. Des démarches également pacifiques faites auprès de la cour de Vienne par le premier consul n’eurent pas plus de succès. Il put alors annoncer à la nation qu’il avait proposé la paix et que l’ennemi l’avait refusée. C’était peut-être tout ce qu’il voulait. Cependant les difficultés de sa position étaient assez grandes pour qu’il fût permis de croire à sa sincérité, et les alliés firent une grande faute en ne la mettant pas à l’épreuve. Quoi qu’il en soit, le premier consul ne s’occupa plus dès-lors que des moyens d’imposer par de nouvelles victoires la paix qu’on lui refusait.

Le parlement se rassembla le 21 janvier 1800, le lendemain même du jour où lord Grenville avait clos la correspondance ouverte avec le cabinet français. Les pièces en furent soumises aux deux chambres,