Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/928

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

21 millions sterling ; l’armée de mer fut, comme à l’ordinaire, de 120,000 hommes, l’armée de terre de 90,000 seulement. La suspension de la liberté individuelle fut renouvelée. Enfin, pour alléger autant que possible une disette dont le peuple souffrait beaucoup, on défendit, par un bill, la vente du pain frais. Pitt se donna beaucoup de peine pour réfuter l’opinion dangereuse exprimée par l’opposition, qui regardait cette disette comme l’effet de la prolongation des hostilités.

L’attention publique se partageait entre la question extérieure et celle de l’union de l’Irlande à la Grande-Bretagne, que le gouvernement n’avait pas perdue de vue un seul moment malgré son échec de l’année précédente. Dans l’intervalle des deux sessions, lord Castlereagh, secrétaire du gouvernement d’Irlande, avait employé, sans beaucoup de scrupule, tous les moyens de séduction et d’intimidation qui pouvaient gagner des suffrages au projet d’union. Pour le faire agréer aux catholiques, il leur avait représenté que l’adoption de ce projet pourrait faciliter leur émancipation. Pitt avait déjà mis en avant cette idée dans le parlement britannique : on assure que lord Castlereagh, dans ses communications avec les hommes influens du parti, la transforma pour ainsi dire en une promesse. Soit qu’il y fût autorisé, soit que, par un entraînement facile à concevoir, il eût un peu dépassé ses instructions, soit que la vive imagination des Irlandais eût donné à ses paroles un sens positif qui n’entrait pas dans sa pensée, il est certain qu’on ne tarda pas à remarquer un changement considérable dans la disposition générale des esprits. Dans plusieurs comtés, des adresses furent signées par beaucoup de catholiques et même de membres du clergé, pour réclamer l’union. Le parti opposé essaya d’en contrebalancer l’effet en tenant, à Dublin, une assemblée très nombreuse où l’on prit des résolutions d’une énergie qui allait jusqu’à la violence.

Le parlement irlandais s’étant réuni le 15 janvier 1800, l’opposition engagea aussitôt le combat en proposant d’insérer, dans l’adresse en réponse au discours du trône, un amendement contraire au principe de la mesure projetée ; mais l’amendement fut rejeté par la chambre des communes, à la majorité de plus de quarante voix. Ce rejet était décisif. Peu de temps après, lord Castlereagh apporta à la chambre un message du vice-roi, qui l’invitait à prendre en considération les dispositions votées dans la session précédente par la législature britannique. A ce message était joint le texte de huit résolutions qui réglaient la forme et les détails de l’union. La part de la représentation irlandaise dans le parlement du royaume-uni devait être de quatre lords spirituels et de vingt-huit lords temporels, pris parmi les membres