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où quelque crise, quelque danger nouveau viendrait assaillir l’empire ottoman sans qu’une escadre anglaise se trouvât à portée, sans qu’une alliance fût formée, une force réunie pour le secourir, l’occasion se présentant ainsi de renouveler l’expédition d’Égypte, de conquérir et de coloniser ce beau pays, pour se préparer les moyens de porter un coup fatal aux intérêts vitaux de l’Angleterre et de piller les trésors de l’Orient, quelle serait notre sûreté ? Serait-ce l’intérêt bien entendu de Bonaparte, ou ses principes, sa modération, son amour de la paix, son horreur des conquêtes, son respect pour l’indépendance des autres peuples qui nous garantiraient contre une tentative d’une telle nature, qu’elle nous placerait dans l’alternative, ou de subir sans résistance une honte et un dommage certains, ou de recommencer la lutte que nous aurions finie trop tôt, et de la recommencer sans alliés, avec moins de ressources pour faire face à plus de difficultés et de chances contraires ? »

Fox et ses amis relevèrent vivement l’inconvenance des personnalités dirigées contre le chef du gouvernement français. Néanmoins les adresses proposées pour approuver la conduite du cabinet furent votées par la chambre des lords à la presque unanimité, et, par celle des communes, à la majorité de 269 voix contre 63. Bientôt après un message royal annonça au parlement que le gouvernement du roi s’occupait à combiner, avec l’empereur et d’autres puissances continentales, un ensemble d’opérations contre l’ennemi commun. Pitt proposa, en conséquence, d’ouvrir au gouvernement un crédit éventuel, pour le mettre en mesure de s’assurer, par des avances de fonds, la coopération active de l’Autriche, de la Bavière et du Wurtemberg. L’opposition se récria, comme à l’ordinaire, contre les subsides imposés à l’Angleterre par l’avidité de ses alliés, et dont la facile concession ne tendait à rien moins qu’à rendre la guerre interminable. Tierney somma le cabinet de définir enfin d’une manière catégorique le but de cette guerre. Pitt répondit que ce but était de se procurer des garanties suffisantes contre les dangers du jacobinisme, qui, loin d’être étouffé en France, comme on affectait de le dire, était devenu plus redoutable depuis qu’il s’était personnifié et concentré dans un homme. Le crédit demandé fut accordé à une immense majorité.

Cette majorité repoussa ensuite plusieurs motions présentées par des membres de l’opposition pour faire déclarer que le rétablissement de la monarchie en France ne devait pas être l’objet de la guerre, et pour provoquer une enquête sur les causes de la honteuse issue de l’expédition de Hollande. Toutes les demandes d’hommes et d’argent furent accueillies avec une extrême facilité. On emprunta cette année