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Petersen vient d’en donner un exemple par l’exécution de son bras artificiel, que M. Magendie a fait connaître dans un rapport détaillé dont l’Académie a ratifié les conclusions favorables. Avec cet appareil, un ancien militaire privé de ses deux bras a pu, après quelques instans d’exercice, prendre sur la table un verre plein, le porter à la bouche, boire, puis remettre le verre où il l’avait pris, enfin ramasser par terre une feuille de papier et jusqu’à une épingle.

L’idée qui a procédé à la construction de cet ingénieux appareil n’est pas nouvelle, et dès le XVIe siècle un artiste de Nuremberg paraît l’avoir employée pour faire tenir une épée dans une main de fer. Plus tard, les mêmes principes guidèrent sans doute l’ingénieur Laurent, celui-là même qui a découvert les mines d’Anzin et commencé le canal de Saint-Quentin. Il construisit un bras artificiel avec lequel un invalide put écrire, sous les yeux de Louis XIV, son brevet de pension.

Quoi qu’il en soit, l’appareil de M. Van Petersen se compose de trois parties distinctes : d’un corset fixé solidement au corps, d’un bras dans lequel on a imité toutes les articulations naturelles, y compris celles des doigts, enfin de cordes en boyau qui partent du corset et vont se fixer en arrière des articulations sur l’avant-bras et les phalanges. Toutes les articulations sont maintenues fléchies par des ressorts, en sorte que la main est fermée et l’avant-bras plié sur le bras ; mais lorsque la machine est en place, il suffit de l’écarter dans divers sens à l’aide des mouvemens dont jouit le moignon pour que les cordes surmontent l’action des ressorts, forcent le bras à s’étendre, la main à s’ouvrir. Le manchot place cette dernière à portée de l’objet qu’il veut saisir, puis il ramène doucement le moignon vers le corps ; aussitôt les cordes se relâchent, les ressorts agissent et l’objet se trouve embrassé. Une fois qu’il est ainsi placé entre ces doigts inanimés, on n’a plus à s’en occuper les ressorts le maintiennent en place.

L’invalide qui se prêta aux essais tentés par la commission était manchot des deux bras depuis les guerres de l’empire. Qu’on juge de la joie de ce pauvre vieillard, qui, depuis trente ans, n’accomplissait les actes les plus ordinaires de la vie que par des mains étrangères ! Il se crut un moment revenu au bon temps où, comme tout le monde, il avait un bras, une main ; mais il dut bientôt quitter ces membres empruntés qui l’avaient rendu si heureux, et, bien qu’opérée sans effusion de sang, cette espèce d’amputation n’en fut pas moins douloureuse. Heureusement que la séparation n’a été que momentanée. Émue des détails que lui présentait M. Magendie, l’Académie décida, sur la proposition de M. Arago, que les deux bras de M. Van Petersen seraient achetés et remis à l’invalide qui en avait si bien constaté l’utilité. Il les porte sans doute aujourd’hui et probablement remercie le ciel de l’avoir fait servir quelques instans à des expériences scientifiques.


Personne n’ignore que certains corps, soumis à des températures variées, se modifient et changent de propriétés physiques. La vapeur invisible qui