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que conduisent des soldats. Encore faut-il supposer que ce sont des mères qui portent sur leurs épaules les enfans qu’on voit au nombre des prisonniers. Il faut donc croire que les Assyriens, comme les Orientaux modernes, cachaient les femmes, et qu’ils n’ont montré celles de leurs ennemis vaincus qu’avec l’intention de leur faire subir une humiliation de plus.

Les hôtes dont ces palais somptueux avaient abrité les plaisirs ne passaient cependant pas toute leur vie dans la mollesse et la débauche. Ils savaient combattre les influences énervantes de la bonne chère, et se préparaient aux fatigues de la guerre en entretenant les forces de leur corps ; les jouissances de la table faisaient place au plaisir de la chasse ; les murs d’une salle tout entière sont décorés de sculptures qui nous font assister à ces violens exercices. Là on voit encore le roi dans son char ; il ne cherche plus un ennemi qu’ira percer sa flèche royale ; il se promène dans un parc, ou paradis, planté de cyprès, une fleur de paix à la main, précédé de hérauts et de massiers, tandis qu’autour de lui ses courtisans se livrent aux plaisirs de la chasse, Des animaux de toutes sortes tombent sous leurs coups. Les différentes espèces de gibier sont représentées avec un tel soin, que l’on reconnaît facilement la perdrix, le faucon, le faisan ou le lièvre. À côté des chasseurs qui tirent des oiseaux, d’autres s’exercent et visent sur des cibles au milieu desquelles le but est dessiné sous la forme d’un lion ou d’une rosace. Toutes ces sculptures sont d’un travail excessivement fin, et, par le talent avec lequel elles ont été exécutées, on peut croire qu’elles sont du plus habile des sculpteurs ninivites, dont la main se reconnaît facilement dans les sujets qui présentent le plus d’intérêt, et qu’il s’était sans doute réservés.

Au premier aspect, le caractère des innombrables bas-reliefs qui décorent les palais de Khorsabad ne paraît pas différer beaucoup de celui des sculptures de l’Égypte et de l’Inde : on peut leur trouver aussi quelque ressemblance avec les sculptures des monumens éginétiques ou étrusques ; mais ce rapport tient moins à un état de civilisation également primitif chez tous ces peuples qu’aux traits distinctifs d’un art né de l’imagination et de l’instinct, et qui ne s’est pas encore élevé par l’étude à la perfection. Si l’on tient compte en même temps de toutes les considérations qui faisaient modifier les sujets donnés par la nature, et de l’élément conventionnel que les symboles religieux introduisaient nécessairement dans la représentation des sujets mystiques, on comprendra que toutes les figures représentées sur les bas-reliefs de l’Égypte et de l’Inde ou sur ceux de