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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1061

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suffit aux imaginations affaiblies, et les nourrit de son élégante fadeur, de sa délicate et prétentieuse mollesse, de sa poésie de lait et de miel, comme on l’a justement dit. La Clemenza di Tito, Issipile, l’Olimpiade, sont les chefs-d’œuvre de cet art doucereux et corrompu. Cependant bientôt tout change d’aspect ; le XVIIIe siècle s’avance et finit au milieu des agitations ; Alfieri a succédé à Métastase. Une légion nouvelle de poètes se lève : c’est le sage et profond Parini qui frappe d’une vive et honnête satire les vices de la société milanaise, et aiguillonne la paresse des sardanapales de la Lombardie. C’est le doux et rêveur Pindemonte qui devine d’instinct l’aimable génie d’André Chénier. Le brillant Monti, qui avait, par malheur, autant de ressources dans la conscience que dans le talent, semble un instant avoir retrouvé la verve héroïque de Dante, et écrit la Bassvilliana. Cesarotti initie l’esprit italien aux vaporeuses beautés de la poésie du Nord en traduisant Ossian. Foscolo laisse échapper de son cœur troublé les accens les plus pathétiques, — Jacob Ortis et les Tombeaux. Faut-il attribuer ce réveil à une de ces contradictions telles qu’en a cru remarquer Sismondi ? « On a vu souvent quelques hommes, dit-il, parvenir au plus haut terme de la gloire littéraire, à l’époque même où la décadence de toutes les institutions politiques semble devoir dégoûter de la gloire et donner de l’aversion pour tout développement de l’esprit. » Nous ne savons où l’auteur de l'Histoire des Littératures méridionales a pu distinguer ce phénomène d’une poésie grande et vraie venant dans une époque de complète décrépitude ; mais si un pays murmure déjà de sa décadence, s’il la connaît et veut rompre avec elle, si ses efforts tendent invinciblement à une transformation, si enfin l’espérance a de nouveau pénétré dans les cœurs, alors l’inspiration poétique peut renaître. Tel était l’état de l’Italie après Filangieri, Beccaria et le grand Vico.

Cette impulsion vigoureuse, quoique incertaine encore et timide en plus d’un point, se fait sentir particulièrement dans les rouvres dramatiques ; c’est le moment où la péninsule a un théâtre. Certes, l’Italie autrefois fut richement douée ; les couronnes de la poésie n’ont pas manqué à son front. Une seule gloire, toutefois, lui a fait défaut, la gloire dramatique, la Sofonisbe du Trissin, l'Oreste et la Rosmonda de Ruccellaï n’égalent pas même les compositions secondaires d’un autre genre. Le vrai drame italien dans ces temps si pleins de mouvement et de brusques péripéties, c’est l’Enfer. Les essais de comédie de Machiavel, qui ne sont pas sans mérite, si l’on veut, et qui se font trop remarquer par une licencieuse bouffonnerie, pâlissent bien auprès