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du Prince ou du Discours sur la première décade de Tite-Live. Nulle part on ne voit, comme en Angleterre, comme en Espagne, ce penchant décidé de quelques grands esprits pour l’art scénique, cet ensemble d’ouvrages qui constituent un théâtre ayant son caractère propre, son originalité, et retraçant avec puissance les glorieux épisodes de la vie nationale. — La tragédie, il est vrai, telle que la conçut, telle que la créa Alfieri, ressemble à la tragédie française du XVIIe siècle ; Corneille et Racine en ont été les inspirateurs ; c’est la même correction savante, la même unité, la même obéissance aux règles. Dans les œuvres du hautain Piémontais cependant, dans les Pazzi, dans Philippe II, — il y a une mâle austérité, une franchise entière d’inspiration dont l’auteur n’a trouvé la source qu’en lui. Les plus belles pages sont encore celles où il s’abandonne au charme fortifiant des souvenirs nationaux. Il y a parfois aussi une visible tendance à se rapprocher de la vérité historique, de la réalité humaine, et plusieurs des qualités du drame moderne s’y trouvent en germe. Les mêmes traits caractérisent les essais dramatiques de Jean Pindemonte, Ginevra di Scozia, Adelina e Roberto, ce sombre tableau des Pays-Bas sous le gouvernement du duc d’Albe, la Rotrude de Pepoli, lArminius d’Ippolito Pindemonte, lAristodeme, le Caïus Gracchus, le Galeotto Manfredi de Monti. Qu’ils s’exercent d’ailleurs au théâtre ou dans la poésie lyrique, une pensée surtout semble dominer les plus marquans de ces écrivains : ils s’efforcent de faire revivre la vieille langue italienne. Semblables au paysan d’Athènes qui regardait vers le couchant pour voir plus tôt blanchir au sommet d’une tour voisine les premières lueurs de l’aube, ils tournent, eux aussi, leurs yeux vers le passé pour y lire le présage du prochain avenir littéraire de l’Italie ; pensée en partie juste et grande, en partie stérile et erronée, nous le verrons, par la portée extrême qu’on lui voulut donner, et qui excita plus tard de vives et remarquables luttes.

Aucun écrivain de notre temps ne se rattache plus directement que Niccolini à cette école dont les vues étaient déjà tournées vers l’avenir ; aucun poète n’a parcouru avec plus de persévérance, avec une fermeté plus égale, grandissant à chaque pas, accroissant ses forces, acceptant les hardiesses légitimes, et résistant aux caprices passagers du faux goût, ce grand espace, — oevi spatium,- qui nous sépare des premiers jours du siècle. Son existence littéraire embrasse quarante années ; elle a commencé par Polixene, elle continue aujourd’hui par Arnaldo da Brescia ; l’un de ces ouvrages marque le point de départ du poète, l’autre est la preuve énergique de la marche constamment