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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/108

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REVUE DES DEUX MONDES.

sabad ; on le reconnaîtrait là crevant les yeux, de sa propre main, à d’infortunés captifs, ici présidant au supplice d’un malheureux qu’écorche le scalpel d’un bourreau assyrien. On verrait encore un souvenir de son règne dans ce terrible châtiment du pal infligé à des ennemis malheureux, pour qui des fers eussent été sans doute trop légers, et qui sont placés, comme un exemple menaçant, devant les remparts que défendent leurs compatriotes. L’opinion qui attribue à Sennacherib les monumens de Khorsabad se justifie encore par d’autres raisons : ainsi les personnages représentés sur ces marbres figurent (autant qu’à l’aide des traditions nous pouvons en juger) des Mèdes, des Perses, des Syriens, des Juifs, des Phéniciens, des Égyptiens ou des Nubiens. En résumé, les scènes représentées à Khorsabab s’accordent sur tous les points avec ce que l’Écriture nous a raconté de ce roi des rois. Cependant il faut tenir compte d’une considération assez grave. Si l’on s’en rapporte à l’histoire (et il faut bien la prendre pour base, quelque incomplète et incertaine qu’elle soit), Sennacherib n’aurait occupé le trône que pendant sept ans. Revenu dans ses états, après avoir été obligé de lever brusquement le siége de Jérusalem, il fut bientôt mis à mort par ses propres fils, en punition de ses crimes. Toujours en conquête, loin de sa capitale, ce prince n’a guère pu présider à l’édification des monumens en question.

On peut concilier, il est vrai, l’opinion qui reconnaît dans ces sculptures l’histoire de Sennacherib et celle qui attribue aux édifices de Khorsabad un autre fondateur. Le fils et le successeur de Sennacherib, Assarhaddon, a fait en Syrie et en Judée des conquêtes qui ont eu de l’importance ; il a profité du désordre d’un interrègne pour réunir la Babylonie à l’empire de Ninive, et a, lui aussi, fait captif un roi juif. Il est donc possible qu’à ses propres exploits il ait ajouté ceux de son prédécesseur et fait graver les uns et les autres sur les murs de son palais, essayant ainsi, tout en perpétuant sa gloire personnelle, d’effacer la tache sanglante du parricide dont il avait profité et qui l’avait mis en possession de la couronne de son père assassiné par ses frères. Les sculptures de Khorsabad présenteraient alors la suite des victoires remportées par ces deux princes, et le temps qui a pu manquer au premier pour exécuter ces travaux gigantesques a permis au second, pendant les trente-neuf ans qu’il a occupé le trône d’Assyrie, de consacrer ainsi la gloire des deux règnes.

On pourrait aussi donner des raisons semblables en faveur de Nabuchodonosor Ier, et voir dans les citadelles représentées celles qu’il dut, prendre pendant le cours de la guerre qu’il fit aux Mèdes, dont il