Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
113
VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE À NINIVE.

assiégea et prit la capitale. Peut-être même celle des forteresses où l’on remarque des flammes au haut des tours n’est-elle autre qu’Ecbatane, et un des épisodes figurés sur les parois de la plus grande salle semble se rapporter aux victoires de ce prince dans la Médie c’est celui des trois captifs enchaînés, dont un est suppliant et prosterné devant le roi qui le perce à coups de javelot. Le fait est consigné dans l’histoire comme l’un des traits de la vengeance cruelle du roi de Ninive, irrité contre Phraorte, chef des Mèdes, qui avait osé le braver. L’histoire dit encore que la ville d’Ecbatane fut mise à sac et dépouillée de tous ses ornemens. Un pillage est, en effet, représenté, et l’on y voit des soldats assyriens, les épaules chargées de dépouilles arrachées à un temple ou à un palais. Le festin même, qui occupe une si grande surface sur les murs de Khorsabad, semble confirmer encore l’opinion qui attribuerait à Nabuchodonosor la fondation de ce palais ; car Hérodote raconte qu’à son retour à Ninive, le vainqueur de la Médie se livra pendant quatre mois entiers à la bonne chère et à tous les plaisirs sensuels qu’il voulut faire partager à tous ceux qui l’avaient accompagné dans son expédition. Il est fort possible encore que le héros qui figure partout combattant en avant du roi ne soit autre que son général Holopherne, qui alla plus tard mourir de la main de Judith devant Béthulie.

Je ne quitterai point ce sujet sans revenir sur le sac d’Ecbatane, qui, d’après le bas-relief, et d’accord avec l’histoire, paraît avoir offert le singulier exemple d’un pillage organisé et dirigé avec un ordre et une régularité inusités en pareille circonstance. Ainsi on voit, sur le tableau qui représente ce fait, un des eunuques, le visir peut-être du grand roi, assis sur un tabouret et occupé à faire écrire et tenir en note les objets pillés que les soldats passent devant lui ; parmi ces objets, on remarque d’autres soldats brisant à coups de hache une statue colossale dont les débris, placés dans le plateau d’une balance, sont pesés par deux eunuques qui en estiment la valeur. Les objets qui chargent les épaules des soldats assyriens, ceux qui sont encore appendus aux murs du temple ou du palais dévasté, rappellent exactement ceux qui figurent dans ces longues processions d’eunuques et de gardes qu’on voit sur d’autres bas-reliefs aller au-devant du roi en lui portant des présens. Les vases, les fauteuils ou les tables qui sont représentés dans les scènes de festins, sont encore les mêmes que ceux que l’on voit sur le tableau du pillage ; il est donc probable que tous les objets du même genre que l’on apporte au souverain ne sont autre chose que les dépouilles provenant de la prise d’une ville ennemie, et destinées à immortaliser peut-être la conquête d’Ecbatane.