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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1082

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premières ardeurs. Son cœur reste animé des espérances et des vœux de ce siècle, et son esprit, effrayé des excès littéraires, se réfugie parfois encore vers le passé ; il doute, il recherche un terrain solide qui lui échappe sans cesse. C’est ainsi qu’il va d’une tentative à l’autre, qu’il fait Lodovico Sforza et Rosmonda. Dans Lodovico Sforza, dans ce tableau sévère de l’usurpation de Louis le More sur son neveu Galeas, duc de Milan, la fibre patriotique frémit, il est vrai, et donne une apparence de vie à l’action. L’un des personnages, Belgiojoso, s’écrie : « Je hais la servitude et l’étranger. Ne sais-tu pas que dans ma patrie il est encore des hommes qui ont vu la république ? Ignores-tu que, le dernier des Visconti descendu au tombeau, Milan osa briser ses chaînes, et que des lèvres fermées par la peur il sortait un nom qu’on peut invoquer après celui de Dieu, la liberté !… » Mais c’est une tragédie régulière et froide à laquelle quelques touchans passages ne peuvent donner un intérêt suffisant. Rosmonda, au contraire, est un essai plus libre ; l’histoire de la maîtresse de Henri Il d’Angleterre, de la rivale d’Èléonore de Guyenne, y est retracée avec plus de mouvement et d’ampleur. La même contradiction se reproduit dans d’autres œuvres : tantôt Niccolini, suivant Shelley au milieu des vices monstrueux de l’Italie corrompue, fait revivre la sinistre famille des Cenci dans un drame plein de toutes les hardiesses nouvelles, et tantôt, comme pour purifier son esprit, il revient avec joie vers la source antique, en publiant une œuvre de sa jeunesse, Agamennone, et, selon les paroles de sa dédicace au professeur Centofanti, cette simple et harmonieuse beauté fait naître en lui un triste regret semblable à celui qu’inspire le souvenir d’un premier amour. Telles sont les incertitudes de Niccolini ; de là naissent ces vœux de conciliation prédominans en lui, et résultant naturellement de sa position intermédiaire. Beatrice Cenci et Agamnennone lui ont fourni l’occasion de résumer ses vues dans un Discours sur la tragédie grecque et sur le drame moderne. C’est une étude d’une savante érudition et d’une vive logique, où il analyse avec soin le théâtre grec, les œuvres d’Eschyle, de Sophocle, d’Euripide, pour montrer leur incomparable grandeur, et où il lance de solides attaques contre ce goût de l’exception qui a envahi le drame moderne, contre ces personnages qui semblent faire sur eux-mêmes une perpétuelle expérience en disséquant leurs passions, leurs pensées, par une subtile analyse, « qui s’aiment, se haïssent, se redoutent, sont heureux ou malheureux seulement par pure curiosité scientifique, de même qu’Eusebio Valli s’inoculait la