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chatoyantes des mosquées de Ghisné et d’Ispahan, qui ont succédé aux palais et aux temples de marbre d’Ecbatane et de Persépolis.

L’œil se serait difficilement habitué au contraste qu’auraient produit, à côté de ces émaux aux couleurs vives et variées, les bas-reliefs qu’ils surmontaient, si leurs sculptures étaient restées nues et n’avaient eu d’autre ton que celui de la pierre grisâtre sur laquelle ils étaient exécutés. Les artistes de Ninive ont voulu éviter cet effet désagréable, et ils ont colorié de tons à peu près semblables à ceux des briques émaillées tous les bas-reliefs qui décorent les salles ou les façades. C’est ce qui est prouvé par les traces nombreuses de coloration qui se retrouvent sur les sculptures que le feu n’a pas endommagées. Cette polychromie est depuis long-temps reconnue comme particulière aux monumens de l’Égypte ; de célèbres voyageurs l’ont constaté, et de consciencieux ouvrages nous ont conservé à cet égard de curieux détails. Les couleurs retrouvées à Khorsabad paraissent être les mêmes que celles qui donnent encore aujourd’hui tant de vivacité aux sculptures égyptiennes. Les tons en sont très peu variés, et, d’après les observations minutieuses auxquelles je me suis livré, ils se bornent au bleu, au vert, au rouge, au jaune et au noir. On sait que, depuis quelques années, et contrairement à l’opinion qui refusait d’admettre que les Grecs eussent jamais caché leurs belles formes architecturales ou sculpturales sous de la peinture plastique, quelques savans, archéologues et artistes, à la tête desquels on doit citer MM. Quatremère de Quincy, Raoul Rochette et Hittorf, ont constaté que la polychromie était l’une des principales ressources que les Grecs ont employées pour la décoration de leurs édifices, et toutes les recherches que l’on a faites à ce sujet tendent à prouver que les couleurs désignées précédemment étaient pour les temples de la Grèce, comme pour ceux de l’Égypte, les seules en usage.

On se rend compte aisément des raisons qui, indépendamment d’un goût particulier, ont pu engager les Assyriens à peindre les sculptures de leurs palais ou de leurs temples. Nous avons déjà parlé du fâcheux effet produit par le contraste des émaux et de la pierre sculptée, dont la surface grisâtre, mélangée de parties cristallisées, n’est nullement agréable à l’œil. Ce qui se comprend plus difficilement, c’est que les Grecs, dont tous les monumens ont été construits avec des matériaux de la plus belle qualité, tels que le marbre du Pentélique ou de Paros, et dont les ornemens architectoniques étaient si finement exécutés, aient pu se décider à cacher l’empreinte du ciseau de leurs habiles sculpteurs sous des couches de bleu et de rouge que rien ne nécessitait. D’après cela, il est permis de croire que les hellènes, dans