Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
REVUE DES DEUX MONDES.

peintes en noir vif les prunelles des yeux et les paupières, ce qui ferait penser que, déjà dans l’antiquité la plus reculée, était adopté l’usage de se peindre le bord des yeux, qui s’est perpétué dans tout l’Orient, et qui fait encore partie de la toilette des raffinés. Il est curieux de rapprocher de cette observation, faite devant les sculptures de Khorsabad, ce que raconte Hérodote de la manie qu’avaient les Mèdes d’imiter, dans leurs habitudes privées, les Assyriens, à qui ils empruntèrent les longues robes et la coutume de se teindre la barbe, les cheveux ou les yeux. Parmi les admirables fragmens de sculptures qui sont destinés à notre Musée, il se trouve quelques plaques qui portent de précieuses empreintes de cette polychromie adoptée généralement dans l’antiquité orientale, et sur laquelle les connaissances des anciens archéologues avaient été mises en défaut par les Romains, qui, tout en imitant l’architecture grecque, s’étaient refusés à suivre cet usage. Il a fallu que, dans ces derniers temps, la sagacité des savans contemporains, aidée par la facilité des voyages, vînt décider la question, et combler ainsi une lacune dans l’histoire de l’art grec.

En décrivant les sculptures de Khorsabad, j’ai dit qu’elles étaient accompagnées de longues bandes d’inscriptions. En effet, dans les salles où les bas-reliefs sont sur deux rangs, ils sont invariablement séparés par une tablette sur laquelle sont gravés en creux, et avec beaucoup de soin, des caractères cunéiformes compris dans un cadre dont les dimensions sont restreintes à celles de chacune des plaques du revêtement des murs, de manière qu’on peut dire que chacune de ces plaques porte son inscription. Le nombre des lignes composant ces tablettes hiéroglyphiques est invariable dans une même salle ; il ne varie que d’une salle à l’autre ; ainsi il est de treize, dix-sept ou vingt lignes. Dans les chambres où les figures sont de grandes proportions et occupent les parois des murs du haut en bas, les inscriptions sont gravées sur le fond même des tableaux sculptés et empiètent sur le bas des vêtemens, qui présente une surface unie ; le nombre des lignes est alors indéterminé.

Il est remarquable qu’aucune des plaques faisant partie des façades extérieures ne porte de caractère, quel que soit le sujet représenté. Faut-il attribuer cette particularité à un préjugé religieux ou à un respect exagéré pour la royauté, qui empêchait de laisser les légendes mystiques ou historiques que ces inscriptions consacraient sous les yeux du vulgaire, admis dans les cours, mais exclu de l’asile sacré du souverain ? On peut croire, en effet, que les princes et les prêtres chaldéens de Ninive, retranchés derrière un rideau mystérieux, avaient