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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/1155

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nion des artistes venus de tous les points de l’Allemagne pour fraterniser dans un immense festival avait causé de vives alarmes à la diplomatie, qui avait vu dans cette démonstration un caractère politique. Il paraît que les craintes de la diplomatie étaient fondées : le principe de l’unité allemande s’agite aujourd’hui dans les questions musicales, comme dans les questions commerciales et religieuses ; et qu’est-ce que l’unité allemande, si ce n’est le mot d’ordre de la liberté politique ?

Une réaction inattendue s’est opérée en Suisse. On avait déjà remarqué, depuis la déroute des corps francs, un changement de conduite dans le gouvernement de Berne. Peu de temps après la victoire de Lucerne, le gouvernement bernois avait pris des mesures contre les excès de la presse radicale. Plus tard, l’expulsion de M. Snell, l’un des chefs de l’expédition des corps francs, et la création d’une presse officielle, destinée à combattre les sociétés populaires, avaient annoncé des tendances de réaction. Cependant, malgré ces mesures, la politique du gouvernement bernois conservait encore un caractère équivoque. S’il prêchait la modération dans les journaux, il n’en laissait pas moins le mouvement populaire s’organiser sous ses yeux. C’était sur son territoire que se préparaient ouvertement les moyens de renverser le gouvernement fédéral. C’est de lui qu’on attendait le signal pour une nouvelle expédition des corps francs. Le gouvernement bernois voulait-il, en agissant ainsi, encourager l’anarchie tout en paraissant la combattre, et s’assurer les fruits d’une révolution unitaire dont il eût paru repousser l’initiative ? Il est permis de le supposer. Dans tous les cas, un pareil jeu ne pouvait se jouer long temps sans péril. Éclairé sur les projets des sociétés populaires, qui poursuivaient une révolution locale en même temps qu’un bouleversement général de la Suisse, averti par l’exemple de la révolution vaudoise, et voyant bien qu’il ne pouvait plus tolérer les passions anarchiques sans courir le risque d’être emporté par elles, le gouvernement bernois a pris son parti : le conseil d’état vient de convoquer le grand conseil en session extraordinaire, à l’effet d’obtenir un vote de confiance qui lui permette d’agir énergiquement contre les sociétés populaires. L’adhésion de M. Neuhaus à cette mesure lui donne un caractère décisif. Les ultra-radicaux sont menacés. Leurs violences ont enfanté un parti d’une modération relative, qui veut sauver l’ordre intérieur et la constitution cantonale, au risque d’ajourner la vengeance des corps francs contre Lucerne, et le triomphe de l’ambition bernoise sur la vieille constitution helvétique. Quels que soient les motifs qui font agir ce parti, il est bon de l’encourager et de le soutenir, s’il persiste dans ses desseins, car c’est le seul point d’appui que la Suisse, au milieu de ses déchiremens intérieurs, ait présenté depuis long-temps à la politique de notre gouvernement.

Pendant que la jeune reine Isabelle d’Espagne recevait à Pampelune, au milieu des fêtes, les princes français ses cousins, les affaires de ce pays ont paru marcher vers une crise prochaine. Les principaux chefs des partis vaincus, carlistes, exaltés, espartéristes, mécontens de toutes les couleurs, tra-