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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/117

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VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE À NINIVE.

ont été justifiées par le fait, et, si je n’ai pas été assez heureux pour trouver partout des idoles conservées, j’ai du moins reconnu les fosses dans lesquelles étaient encore des fragmens qui prouvaient que ce système de consécration du seuil était général.

Tel est l’ensemble des inductions auxquelles j’ai été conduit par l’étude attentive des monumens si heureusement retrouvés par M. Botta. En m’appliquant à chercher le sens probable de ces sculptures et à soulever le voile qui en recouvre les allusions, je n’ai pas eu la prétention de donner mes opinions pour la fidèle traduction de ces textes mystérieux. J’ai seulement voulu essayer d’accorder les sujets représentés sur le marbre avec ceux que les historiens nous ont transmis. Je laisse à la science des philologues et à l’habileté des archéologues le soin de décider toutes les questions graves que la pioche a fait surgir de terre, en lui dérobant les précieux restes de cette grande capitale de l’Asie occidentale que Dieu frappa si violemment de sa colère. Jamais, à aucune époque, on n’a fait une découverte archéologique aussi importante que celle des palais retrouvés sous le village arabe de Khorsabad ; car les idées que l’on a eues jusqu’à ce jour sur Ninive étaient très confuses, très contradictoires : en faisant la part trop large aux récits figurés et éminemment poétiques de l’Orient, on était tout près de croire fabuleuses les traditions de la Bible et d’Hérodote. La découverte de M. Botta aura un double résultat : elle justifiera Hérodote et la Bible aux yeux de ceux qui les accusaient d’exagération, et elle révélera dans toute sa majesté et toute son élégance un art qui fait comprendre à quel degré de civilisation était déjà arrivé cet empire, qui n’avait paru grand que par ses conquêtes. Tous ceux qui aiment à remonter les siècles pour suivre dans ses différentes phases la marche de l’esprit humain ne pourront refuser le témoignage de leur reconnaissance à M. Botta pour sa belle découverte. Ils doivent également applaudir au généreux enthousiasme avec lequel notre gouvernement a saisi l’occasion de doter la France des antiques monumens qui vont enrichir nos musées. C’est là une précieuse conquête, dont les savans de tous les pays pourront prendre leur part, aussi bien que ceux de notre célèbre Institut, qui, par l’appui qu’ils ont prêté aux premiers efforts du consul de France à Mossoul, ont puissamment contribué au succès d’une entreprise si digne d’intéresser l’Europe entière.

Eugène Flandin.