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soit des différens princes de la dynastie, soit de quelque circonstance locale. Leurs tracés et leurs dénominations subsistent encore pour la plupart. Ainsi sur la rive septentrionale du fleuve se trouvent Apara ou le quartier opposé (par rapport au temple de Viroupacsha), et, toujours du même côté, à environ deux milles au-dessous du temple, Anegoundi. Ce nom vient du mot ané, qui veut dire éléphant, et goundi, place, parce que c’était le quartier où l’on conservait les éléphans, dont on voit encore les écuries. Cela n’empêche pas que, durant le règne des deux frères, Narsinga et Crishna-Raja, c’était la résidence du frère aîné, qui s’en était réservé exclusivement l’administration. Sur la rive méridionale se trouvent les quartiers Viroupacsha (au centre), Vitala-Raja, où se trouve le second temple, Achyata-Raja et Crishna-Raja, ainsi nommés des princes qui en avaient été plus spécialement chargés avant ou après leur élévation au trône.

Parmi les ruines d’Anegoundi, et comme inséparable de ces ruines, il est une existence dont la vue est triste pour le cœur : nous voulons parler d’un jeune homme de vingt-six à vingt-huit ans, représentant des rois de Vijayanagar, et descendant direct du dernier souverain. Ainsi, ruines de la cité royale et ruines de la race royale, tout est là sous vos yeux. Le spectacle subsiste complet ; le temps laisse debout ici tout ce qu’a fait le malheur. Malgré sa haute naissance, ce jeune homme n’a aucune ressource de fortune, et la condition de tout son entourage paraît des plus misérables. Cependant les descendans des rois de Vijayanagar s’efforcent de conserver encore quelques apparences de majesté, et entre autres emblèmes d’un pouvoir qui n’est plus, ils ont un éléphant pour la chasse et les cérémonies. Quand on leur objecte l’inutilité de cette dépense, ils répondent qu’ils espèrent toujours, pour un temps ou pour un autre, quelque changement dans le gouvernement de ce pays, que leurs droits l’emporteraient alors sur ceux de toutes les familles royales de race indoue ; mais s’ils renonçaient à tous les insignes de la dignité royale, il n’y aurait plus rien pour les distinguer de la foule, et leur nom, comme il est déjà arrivé pour celui de leur cité, serait bientôt enseveli dans un oubli total. Pourtant, hâtons-nous de le dire, le jeune prince déchu des ruines de Vijayanagar vit entouré d’un respect qui ne s’attache guère au malheur que sous le ciel de l’Inde, ou du moins qu’on ne trouve nulle part aussi vrai, aussi durable, aussi profond.

A l’exception des écuries d’éléphans, qui sont encore debout, les ruines d’Anegoundi n’ont point le cachet de grandeur que l’on retrouve dans les quartiers de la rive méridionale du Tombouddra. Une